Baiser dans l’escalier
Sous-sol, niveau -2. 23 h 17
- Bordel de merde, l’ascenseur est en panne ! Putain, c’est pas vrai, va falloir prendre l’escalier de service !
Julia passe devant. Je la suis, à quatre marches derrière, question de courtoisie. J’ai son petit postérieur adoré qui se balance à
hauteur de mes yeux. J’aime son déhanché, surtout quand elle est un peu fatiguée, comme ce soir. Elle ne se contrôle plus vraiment, il y a de l’abandon dans ses gestes. Sa main droite s’appuie à
la main courante, de l’autre elle se touche la fesse gauche comme pour s’encourager à gravir l’escalier en spirale. Je la laisse prendre un peu d’avance. Maintenant, ce sont ses jambes que j’ai
en ligne de mire, ses mollets qui se frôlent avec des reflets de nylon noir. Quinze deniers : le prix de notre amour ? L’escalier de ciment brut s’enroule tristement. On n’entend que le
bruit de nos pas qui résonnent sur les murs gris, dans la lumière sans fard de la minuterie.
Rez-de-chaussée. 23 h 22. Première halte.
La cage d’escalier est moins sinistre. Une porte à hublot donne sur le hall d’entrée inondé de lumière. C’est là qu’on s’arrête, à regarder à travers la vitre les plantes vertes que le gardien de l’immeuble bichonne tous les jours. Nous sommes déjà moins contrariés par la panne de l’ascenseur, surtout depuis que nous avons échangé un premier baiser sur les dernières marches. Les lèvres de Julia sont tendres, presque molles. La minuterie s’est éteinte et nous sommes restés immobiles, bouche à bouche, debout dans l’obscurité. Julia se presse contre moi. Comme elle se tient sur la marche au-dessus de la mienne, nos visages, nos ventres se retrouvent exactement au même niveau et on voudrait que ça dure éternellement.
- On monte ? soupire Julia en s’écartant pour poser son index sur le bouton de la minuterie.
Entresol. 23 h 40.
Nous ne sommes pas allés bien haut, pas plus d’une trentaine de marches maintenant recouvertes de linoléum. Les murs sont peints de couleur claire et la main courante a cédé la place à une rampe de bois. Julia est toujours devant. Elle semble de nouveau pleine d’entrain. L’ourlet de sa courte jupe qui se balance accompagne avec volupté les mouvements du compas de ses jambes. Je bande. Elle s’arrête sur le palier de l’entresol, là où loge le gardien avec toute sa famille. L’index sur les lèvres, Julia m’impose le silence. Avec élégance, elle relève sa jupe et me montre sa petite culotte blanche. Elle rit.
- Attrape-moi si tu peux !
La lumière de la minuterie s’éteint sans préavis. Je me retrouve dans le noir. J’entends la cavalcade de ses pas qui s’enfuient vers
les étages.
Plus haut dans les étages. 23 h 56
Je l’ai perdue de vue. Les portes des étages défilent. Je suis déjà arrivé au huitième, toujours pas de Julia. Et si elle n’était plus
dans l’escalier ? Je la retrouve enfin, assise sur le palier entre le neuvième et le dixième. Elle a les pieds sur la dernière marche, les cuisses très écartées. Elle a ôté sa culotte si
bien que, en contrebas, je profite d’une superbe perspective en contre-plongée sur sa chatte offerte. Les mains posées en arrière, très cambrée, Julia me regarde en souriant.
- T’as eu peur, pas vrai ? Allez, monte !
Je gravis la volée de marches à quatre pattes, comme un chien de chasse, la truffe aux aguets. Mon visage se glisse de lui-même sous sa jupe, dans l’entonnoir de ses cuisses, jusqu’à ce que nos lèvres se rejoignent. Elle sent bon. Alors, on baise tranquillement dans l’escalier. Avec les marches, nos sexes s’ajustent à la perfection. On joue, on jouit.
Sur l’avant-dernière contremarche, à portée de regard, je découvre un petit graffiti tracé au feutre noir. Le dessin représente une jeune femme en train de se faire prendre en levrette par un mec dont on ne voit que le tronc et sa grosse queue qui disparaît à moitié entre les fesses de la fille. À côté, on a ajouté en majuscules cette légende : « JULIA M’A SUCER ».
© Michel Koppera, août 2009
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À l’étranger, il n’y a pas que les saveurs qui sont exotiques, mais aussi les sons et les odeurs. Les langues autochtones sont pleines d’accents qui titillent la libido ; on
s’essaie au tilde, à l’Umlaut, aux diphtongues gutturales qui accompagnent la montée vers l’orgasme. Dans l’air, flottent des odeurs venues d’ailleurs. À l’étranger, des fleurs pourtant
familières exhalent des parfums qu’on ne le leur connaissait pas, les crépuscules embaument et, par les fenêtres ouvertes, les senteurs de la nuit se posent sur nos peaux
nues.
La jeune fille jeta sa cigarette, prit du bout de ses doigts le bord de sa jupe et la souleva lentement : d’abord apparurent ses genoux doucement gainés par la soie de ses bas,
puis la peau nue des cuisses, puis l’ombre du pubis. Elle demeura un instant dans cette attitude, triste Véronique, le visage sévère, la bouche méprisante. Puis, se renversant lentement en
arrière, elle s’étendit sur le lit et écarta doucement les jambes. Comme fait l’horrible langouste en amour, quand elle ouvre lentement les tenailles de ses pattes, en regardant fixement le mâle
de ses yeux ronds, noirs et luisants, puis reste immobile et menaçante, ainsi fit la jeune fille, ouvrant lentement les tenailles roses et noires de ses chairs, et restant immobile, les yeux
fixés sur les spectateurs. Un profond silence régnait dans la pièce.

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