Coucou, me revoilà !
Baiser dans l’eau
J’ai
baisé dans les eaux limpides d’un lagon, près d’une île de l’Océan Indien. C’était la saison des pluies et on suait à grosses gouttes dans l’eau. Quelques mètres au-dessous de nous, on voyait
distinctement les tables de corail et leurs milliers de polypes en érection prêts à éjaculer sperme et ovocytes pour le grand orgasme annuel. Un calamar aux tons changeants me palpait les
couilles d’un tentacule curieux et un banc de petits poissons aux écailles noires et jaunes nous tournait autour dans l’attente du menu fretin de mon sperme filandreux.
J’ai baisé dans les pédiluves d’une piscine municipale. On se vautrait dans dix centimètres d’eau froide, aspergés par deux douchettes plutôt stimulantes, surtout quand elles touchaient certains replis inaccessibles aux doigts les plus fins ou aux langues les plus souples. Ma partenaire ressemblait à s’y méprendre à un modèle d’Ingres : elle en avait le visage faussement puéril, le cou goitreux, la peau laiteuse et le pubis glabre. En réalité c’était une sacrée vicieuse qui savait à peine nager alors qu’elle était l’épouse légitime du maître-nageur qui surveillait le grand bassin.
J’ai baisé dans une des fontaines du monument aux Girondins, sur la place des Quinconces à Bordeaux. C’était par
une nuit électrique de juillet. À genoux dans le bassin, ma compagne avait le buste dans la gueule d’airain d’un monstre marin. Pour un peu, on aurait dit qu’il allait l’avaler toute crue pendant
son ultime jouissance. Alors, accroché à ses hanches pâles, je besognais ardemment sa croupe digne d’une nymphe de Courbet.
J’ai baisé dans les flots gris d’un torrent de montagne. Malgré le soleil d’été, l’eau était glaciale. J’en avais la bite bleutée, elle en avait le clitoris aussi dur qu’un grain de riz cru.
J’ai baisé dans un bassin d’eau limpide au pied d’une cascade. C’était sur l’île de la Réunion. Le soleil vertical faisait naître dans les embruns de petits arcs-en-ciel éphémères qui se déposaient en chuintant sur les peaux métisses des baigneurs. Assis sur la grève sablonneuse du bassin, des enfants nous regardaient en mâchouillant des bûchettes de canne à sucre fraîchement coupée.
J’ai baisé dans la piscine privée de Maria et Bernard, un couple mélangiste rencontré sur Internet. J’ai sucé en apnée la belle bite courbe de Bernard pendant que, pendue à la petite échelle d’acier inoxydable, Maria se faisait lécher son cul très poilu par la langue frétillante d’Irène. Nous étions quatre dauphins en rut, se jouant de la pesanteur au milieu des préservatifs usagés qui flottaient entre deux eaux bleues comme des méduses.
J’ai baisé dans les eaux marron d’une crique guyanaise, sous les épaisses frondaisons de la forêt. Un rayon de soleil déchirait la canopée et découpait une tache de lumière à la surface mystérieuse de la rivière immobile. Nos corps se mêlaient dans les ténèbres aquatiques et nous devinions l’invisible présence d’une multitude de poissons étranges et, peut-être même, d’un jeune anaconda qui nous enlaçait les cuisses et dardait sa langue fourchue sur le gros clitoris de Saskia.
J’ai baisé dans une grande baignoire qui débordait de mousse, comme si je baisais avec la Mère Noël, ce qui tombait mal car elle se prénommait Pascale.
J’ai baisé dans le lac d’un cratère de volcan en sommeil. L’eau sentait le soufre tout comme nos sexes enflammés. Des profondeurs du lac montaient de brèves vibrations sismiques qui nous traversaient le corps, des pieds à la tête, et soulevaient au plus secret de son vagin des ondes voluptueuses. Elle jouissait en modulation de fréquence tout en aspirant mon sperme tellurique.
J’ai
baisé dans le détroit des Dardanelles, à l’embouchure de la mer de Marmara. Nous nous tournions alternativement vers l’Europe et l’Asie, comme hésitants entre les deux continents, entre
chrétienté et islam, entre chatte et cul, entre missionnaire et levrette…
J’ai baisé dans les eaux salées du lac Rose près de Dakar. Sans un mouvement, nous étions comme suspendus dans l’eau. Des cristaux salins scintillaient sur ses tétons nus. Non loin de nous, en plein soleil, des hommes et des femmes raclaient le fond du lac pour lui arracher sa croûte de sel brut.
Nous avons baisé dans l’estuaire de la Loire, nos regards tournés vers le Nouveau Monde.
© Michel Koppera, août 2009
Ecrire un commentaire - Voir les 0 commentaires
« Tout a commencé lundi dernier. J’étais de service à l’accueil, chargée des nouvelles inscriptions. Un homme se présente. Quelques minutes plus tard, je savais tout de lui, son
identité, sa date de naissance, son adresse, son numéro de téléphone. Il s’appelle Rodolphe, comme l’amant d’Emma Bovary. Je l’ai accompagné du regard quand il s’est dirigé vers la grande
bibliothèque. Trois heures plus tard, il n’était pas ressorti. Tu me connais, curieuse comme je suis, je suis allée à sa recherche. J’ai bien cru qu’il s’était volatilisé, mais j’ai fini par le
retrouver, assis à même le sol dans une allée du département philosophie, comme un gamin qui feuillette une BD à la FNAC. Il lisait. « Sœur Sainte-Augustine, mais tu es folle d’être
honteuse, laisse tomber ce linge : je suis femme, et ta supérieure. Oh ! la belle gorge ! Qu’elle est ferme ! » Sa voix était douce, chaude, douloureusement grave.
C’était l’heure de la fermeture. En partant, il m’a dit peut-être à mercredi. Je ne te raconte pas mon mardi, une horreur ! Mercredi matin, je me suis réveillée prête à tout. Et ce salaud
qui ne venait pas ! Pourtant, j’avais mis une jupe – ça n’a échappé à personne. Au fil de la matinée, je me suis décomposée. Rodolphe n’est arrivé qu’à seize heures, sans un mot d’excuse. Tu
n’imagines pas dans quel état j’étais : une vraie loque ! Je l’ai retrouvé dans la même allée des philosophes du dix-huitième siècle, assis au même endroit, en train de lire le même
livre. Je me suis assise en face de lui : s’il relevait la tête il ne pouvait rater ni mes jambes nues, ni ma culotte pervenche tout au fond entre mes cuisses entrouvertes. « Le
premier soir, j’eus la visite de la supérieure ; elle vint à mon déshabiller. Ce fut elle qui m’ôta mon voile et ma guimpe, et qui me coiffa de nuit ; ce fut elle qui me déshabilla.
Elle me fit cent propos doux, et me fit mille caresses qui m’embarrassaient un peu, je ne sais pas pourquoi, car je n’y entendais rien. »Adossée aux œuvres complètes de Voltaire, mes
cuisses s’écartaient d’elles-mêmes, comme soumises aux mots. Son regard s’est posé rapidement sur mon ventre et il a refermé brutalement le livre. On reprendrait le lendemain.
-
Non, plus personne ne s’intéresse à la littérature du dix-huitième. Ce sont des vieux livres, avec des reliures en cuir et des f à la place des s… Il n’en faut pas plus pour
décourager le lecteur. Mais laisse-moi terminer. Vendredi, on s’est carrément aménagé une sorte de niche dans la Grande Encyclopédie en cinquante volumes, au plus profond de la
bibliothèque. Nos murs étaient de cuir, notre ciel de poussière. Il m’a ouvert le livre à la page qu’il avait cornée et j’ai lu : « Jamais vous n’avez pensé à promener vos
mains sur cette gorge, sur ces cuisses, sur ce ventre, sur ces chairs si fermes, si douces et si blanches ? » Trois fois j’ai chuchoté cette phrase, trois fois il l’a
répétée après moi, de sa voix brûlante. Et pendant que je lisais, il avait la tête sous ma jupe, caressait mes seins et mes fesses nues, me léchait le ventre. Trois fois j’ai joui dans sa
bouche.
Il
n’y a que la cour de récréation qui semble avoir échappé à la marche du temps. On se croirait dans l’entre deux guerres. C’est un carré de bitume fermé par de hauts mur chaulés. Au centre, un
gigantesque platane au tronc galeux impose sa fraîcheur sombre jusque sur les pupitres proches des fenêtres. Un profond préau au sol cimenté s’ouvre en grand vers le soleil couchant. Tout au
fond, derrière la table de ping-pong, des banquettes de bois sont fixées au mur. Sur le sol, on voit encore les vestiges d’une marelle ancestrale. Combien de pieds de gamines en route vers le
ciel se sont posés sur ces cases tracées à la craie ? Clémence imagine déjà les fillettes jouant à la corde à sauter, à l’élastique ou à chat perché avec les banquettes comme refuge. Elle
entend leurs rires et leurs cris de fausse frayeur. Dans l’angle le plus obscur, le plus secret, il y a une rangée de portemanteaux où est encore accroché un cartable, propriété d’après
l’étiquette d’un certain Jonathan, élève de CM2.

Derniers Commentaires