Je vous invite à suivre quasiment en direct, pendant plusieurs mois, l'écriture d'un livre que j'ai provisoirement intitulé "Baiser". Il s'agit de constituer un recueil
d'une cinquantaine de petits textes sur le thème de la baise en divers lieux, partout sauf dans la chambre à coucher habituelle.
Voici le premier de ces textes qui a pour titre " Baiser dans la cusine". Je le dédie tout particulièrement à Marie-Souillon, créateur du blog
" Tabliers, blouses et torchons de cuisine" dont je vous recommande la visite. ( voir mes liens )
Bien entendu, j'attends vos remarques, propositions et critiques sur ce projet. C'est parti !
( Les illustrations de ce texte sont d'abord deux tableaux de Fernando BOTERO. Le premier s'appelle " Table de cuisine" et date de 1970 ; le second, "La
servante" est de 1974. Quant à la photo, je l'ai trouvée sur le net.)
Baiser dans la cuisine
Baiser dans la cuisine ne se programme pas. Le désir monte brutalement, sans prévenir, comme le lait qui se met à bouillir et déborde de la casserole laissée sur le feu quelques instants sans surveillance.
J’ai un ami que le simple grésillement d’une noix de beurre fondant dans une poêle rendit lubrique ; quant à sa compagne, elle fut un jour saisie de fureur utérine à la vue d’un oignon piqué de clous de girofle.
Cette année, l’hiver fut particulièrement rigoureux, propice aux potées, blanquettes et autres tajines. Pas plus tard que samedi dernier, c’était journée pot-au-feu. Déjà, plonger les morceaux de plat de côtes, de jarret et de joue de bœuf dans la marmite se révéla bien excitant… Et puis, vint le moment du bouquet garni : la branche de thym, les feuilles de laurier, le persil – du géant d’Italie, surtout pas du frisé qui n’a aucun goût ! – et du cerfeuil. Je rassemble le tout en un petit fagot que j’entoure de ficelle :
- Chérie, tu peux m’aider, s’il te plaît, et mettre ton doigt sur le nœud ?
Elle pose son index sur la ficelle qu’elle bloque pendant que je consolide le nœud d’une double boucle. Nos peaux s’effleurent. Nous sommes face à face. Entre nous, montent les odeurs mêlées du thym, du laurier, du persil et surtout du cerfeuil dont la ficelle vient de broyer une tige.
Ce qu’il y a d’intéressant avec le pot-au-feu, c’est qu’il n’a besoin que de peu de surveillance, juste d’être écumé de temps à autre, entre deux orgasmes. Ça mijote pendant deux à trois heures, à feu doux.
L’idée de baiser pendant la cuisson d’un steak ou d’un œuf au plat relève de l’utopie, à moins bien sûr d’être éjaculateur très précoce, syndrome plus répandu qu’on ne croit en ces temps de fast-food. Néanmoins, la cuisson al dente des spaghettis semble une durée raisonnable pour un simple coït culinaire.
Le pot-au-feu offre également l’avantage – pour peu qu’on ait oublié de mettre la hotte aspirante en marche – de diffuser dans la cuisine un nuage de vapeur odorante qui embrume les fenêtres et transforme opportunément la pièce close en sauna domestique qui invite à la nudité. Je goûte au condiment de ses lèvres, ses seins se font pomelos, sa chatte ramboutan. Elle ne garde que son tablier, je la baise le torchon sur l’épaule. Entre la table de cuisson et les éviers, le plan de travail n’a jamais si bien porté son nom. Sa hauteur semble avoir été calculée pour le confort des accouplements : nul besoin de fléchir les genoux, ni de se hisser sur la pointe des pieds. Elle s’installe, les cuisses ouvertes, le cul bien calé entre la cafetière électrique et une corbeille de pommes golden, un pied appuyé sur une chaise laquée de blanc, et nous nous chevillons l’un à l’autre. Le hublot rectangulaire du four fait office de miroir et nous renvoie l’image dédoublée de nos corps encastrés. Les odeurs, le chant de la marmite, la chaleur moite du bouillon excitent notre ardeur. Des gouttes de vapeur et de sueur mêlées perlent sur les aréoles de ses seins ; une rosée d’aromates s’accroche aux touffes de poils de ses aisselles et de sa chatte ; leur saveur est sans pareille.
Ondulant vigoureusement du bassin, mon épouse lâche un petit jet de vapeur qui m’avertit de l’imminence de son orgasme et donc de l’urgence absolue de lui éjaculer au plus profond du vagin.
- Attention, ça va déborder ! dit-elle quelques instants plus tard en refermant ses cuisses.
Ce n’est pas de mon sperme qu’elle parle, mais de l’écume jaune qui soulève le couvercle de la marmite et menace de se répandre sur la table de cuisson en vitrocéramique, récemment achetée à crédit et déjà maculée de traces douteuses.
L’arrivée trop matinale de nos invités – ma sœur accompagnée de son énième grand amour – nous priva d’une
seconde étreinte. Ce ne fut qu’au moment de servir le pot-au-feu que je réalisai à quel point la puissance érogène du bouquet garni était redoutable : nous avions complètement oublié de
saler l’eau de cuisson.
© Michel Koppera, avril 2009
Ecrire un commentaire - Voir les 1 commentaires
Derniers Commentaires