inédits

Lundi 1 avril 2019 1 01 /04 /Avr /2019 08:00

"JEU DÉCISIF", nouvelle inédite. Chapitre 1

Jeu décisif

 Pour Carole et François

 

MATHIEU

 Comme chaque année, pendant le long week-end de l'Ascension, le club de tennis avait organisé en interne un tournoi afin que ses membres fassent plus ample connaissance. Le tournoi qui dure quatre jours s'achève par un dîner de clôture où sont remis les trophées et les cadeaux aux lauréats. C'était la troisième année que je participais au tournoi. Chaque concurrent devait disputer, au meilleur des trois sets, quatre simples, deux doubles et un double mixte. Les adversaires ainsi que les partenaires de double étaient désignés par tirage au sort. Sur le tableau des matchs, j'ai lu que pour les deux simples je serais d'abord confronté à Samuel, puis à Bernard que j'avais déjà battu à trois reprises. Je ne connaissais pas mes deux autres adversaires. Pour les deux doubles du samedi, je ferais équipe avec Simon et Maxime. Enfin pour le double mixte du dimanche, ma partenaire était une certaine Carole C*.

jeu-d-0Par chance, la météo fut de notre côté et la plupart des matchs eurent lieu en extérieur. J'ai aisément remporté mes quatre simples en deux sets gagnants. Le premier double avec Simon fut plus laborieux, il nous fallut aller jusqu'au troisième set  que nous avons remporté 7 jeux à 5. Le second double avec Maxime ne fut qu'une formalité. Restait le double mixte du dimanche. La veille, j'avais fait la connaissance de Carole, une femme mûre d'une cinquantaine d'années : brune, les cheveux mi-longs, souriante, je fus d'abord séduit par son sourire et la générosité de ses seins. Pour le match, elle est venue en tenue très classique : tennis et socquettes blanches, jupette plissée et haut bleu marine, cheveux attachés en queue de cheval. Elle se révéla plutôt bonne joueuse, avec un coup droit redoutable et un sens inné du déplacement. Malgré tout, nous avons dû concéder le premier set. Après nous être imposés dans le deuxième, tout allait se jouer dans la troisième et dernier set. Ce fut si disputé que nous sommes allés au tie-break. Nous étions à égalité 8-8, mais j'avais deux services à suivre. Au fond du court, derrière ma ligne, je me préparais à servir.jeu-d-1

Au filet, Carole était en place, bien campée sur ses appuis, les genoux légèrement pliés, penchée en avant, le regard fixé sur son adversaire qui allait recevoir ma balle, prête à contrer le retour. Une légère brise qui balaya le court retroussa la jupette plissée de Carole et, pendant quelques secondes, j'eus une vue imprenable sur son fessier tendu, sur sa petite culotte d'un blanc immaculé et surtout sur son entrejambe dont le renflement dodu comme un petit coussin déformait l'empiècement de sa culotte de coton. Cette vision fugace me troubla au point qu'au premier service j'envoyai la balle directement dans le filet. Carole se remit aussitôt en place pour le second service et, de nouveau, un léger souffle de vent souleva sa jupe, découvrit ses cuisses, ses fesses tendues et l'étonnant renflement de son entrejambe. Il me fallut beaucoup d'efforts pour parvenir à frapper un service mollasson que mon vis-à-vis n'eut aucun mal à nous retourner d'un puissant coup droit qui laissa Carole sans réaction. Nous venions de perdre le match.

En fin d'après-midi, j'ai revu Carole, en tenue de ville cette fois, pour la remise des coupes et le pot de l'amitié. Elle ne me parut pas trop déçue de notre défaite.  Un verre à la main, on a échangé quelques banalités et on s'est fait la bise en se disant au revoir.

à suivre....

 

Par michel koppera - Publié dans : inédits - Communauté : Fantasmes et écriture
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Lundi 25 février 2019 1 25 /02 /Fév /2019 08:00

"Villa Ferjac"

chapitre 7

Aujourd’hui, Marie est arrivée à neuf heures précises, comme d’habitude. L’étudiant en médecine à qui j’ai loué tout le second étage rentrera peut-être ce midi pour déjeuner avec moi. Sur le bureau, j’ai ouvert le premier tome du De Natura Rerum de Lucrèce :

«  Aeneadum genitrix, hominum divumque voluptas

Alma Venus… »

Après avoir préparé le repas de midi, Marie a lavé la vaisselle, passé la serpillière dans la cuisine et l’aspirateur dans les chambres et le salon. Elle a changé les serviettes des salles de bains, récuré les lavabos et les cuvettes des toilettes, fait briller les robinets…

Puis elle est venue me rejoindre. Comme d’habitude, elle reste debout. Ce matin, elle porte une courte robe de cotonnade bleu nuit imprimée de petites fleurs jaunes. Elle appuie ses cuisses sur le bord du bureau, de telle sorte que cette douce pression révèle l’arrondi de son ventre et, plus précisément, le renflement de son pubis.

Elle me regarde écrire. Il y a des phrases qui résistent à la traduction, des mots qui ne se laissent pas lire aussi facilement que Marie. Alors, elle attend, elle n’est pas pressée.

Quand c’est terminé, elle se penche en avant et tout le poids de son corps pèse sur le bord du bureau. Sa poitrine alourdit le coton de sa robe, lisse les plis du tissu. Son visage est maintenant tout près de ma nuque que frôle son souffle paisible. Marie pose sa main sur la mienne. On reste comme ça quelques instants. C’est merveilleux.

ferjac7Enfin, elle se redresse, s’éloigne lentement vers la porte et je la suis, à quelques pas en retrait pour mieux me repaître du galbe de ses mollets, du roulement alterné de ses fesses qui balance les plis de sa robe de gauche à droite. On longe le couloir qui mène à la chambre où elle n’a pas encore fait le lit, mais juste repoussé la couverture et le drap au pied. Dès que j’ai refermé la porte derrière nous, elle déboutonne sa robe. Elle est nue là-dessous. Marie a la peau blanche, les cheveux châtains et un peu bouclés, des seins en pomme avec des aréoles pâles, de belles cuisses rondes, un fessier généreux, un ventre doux comme celui d’un bébé, un sexe aux lèvres épaisses et légèrement violacées.

Elle s’étend sur le lit. Pendant que je me déshabille, elle se caresse, se titille le bout des seins, se peigne la touffe avec les doigts et se masse langoureusement le clitoris. Mais son visage placide n’exprime aucune émotion, aucun désir.

Pourtant, comme tous les autres jours, je bande. Je m’approche du lit, elle m’attrape par la queue.

- J’ai envie.

Ce sont ses premiers mots, toujours les mêmes, ceux qui me mettent hors de moi. Marie mouille. Elle sent bon, très bon. Elle sent bon partout : je la renifle des aisselles à l’entrefesses. J’y pose les yeux, les doigts, les lèvres et le bout du gland qu’elle enduit de salive. Elle ouvre les cuisses en grand afin que fleurisse sa vulve de nacre rose. Je m’allonge entre ses jambes écartées et mon sexe la pénètre, tout seul, comme téléguidé par les ondes pulpeuses de son ventre en éveil. On baise. Elle jouit en me tenant les fesses à pleines paumes. Elle gémit, grimace un peu de plaisir. Je lui lâche tout au fond du vagin.

Je la regarde refaire le lit, les fesses à l’air, la queue basse.

- On changera les draps demain ! décide-t-elle en rajustant le couvre-lit. Vous savez, je suis heureuse…

Un ange passe. Elle reboutonne sa robe à fleurs.

- Dans les derniers temps, M. Bertholet ne me faisait plus jouir… Enfin, plus comme avant.ferjac7-1

De la fenêtre, on devine la mer toute proche, et je peux surveiller le portail que vient de refermer Marie… Parfois, des enfants à bicyclette passent dans l’Allée des Cormorans ; ils s’arrêtent quelques instants devant les grilles closes et jettent des regards curieux sur le parc à l’abandon.   

FIN  

© Michel Koppera, février 2019        

 

     

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Vendredi 22 février 2019 5 22 /02 /Fév /2019 08:00

"Villa Ferjac"

chapitre 6

ferjac6-1Ma relation amoureuse avec Valérie fut à la fois plus frustre et plus riche que celle que j’avais vécue avec Clara. Alors que Clara aimait habiller l’amour de fantasmes – cela allait du porte-jarretelles au préservatif aromatisé, en passant pas les accessoires en latex – Valérie se contentait d’être intégralement nue et consentante. Elle avait le ventre châtain et bouclé, tout comme les aisselles et sa chevelure opulente. Elle aimait que je lui caresse le pointe des seins et le bas des reins, que je l’embrasse dans le cou, juste sous l’oreille, que je passe ma main tout doucement entre ses cuisses entrouvertes, que je prenne et que j’excite son clitoris entre mes lèvres pincées, que je lui maintienne les jambes très écartées pendant que je lui léchais la chatte et le trou du cul, que je lui dise que c’était bon quand elle me prenait en bouche, que je la pénètre à fond, que je la fasse jouir plusieurs fois de suite, que je me retire de son con tout luisant de son plaisir pour la lui mettre par derrière, que j’éjacule en grognant de bonheur, qu’on recommence en pleine lumière, la fenêtre ouverte… Elle aimait tout ça et aussi se regarder nue dans le miroir en prenant la pose tout en se caressant du bout des doigts.

Début juillet, le matin de notre départ pour un séjour de trois semaines en Toscane, M. Bertholet nous accompagna jusqu’aux grilles du portail qu’il referma derrière nous. Il nous adressa un dernier signe de la main. Je ne devais jamais le revoir.

Malgré le charme de la vie florentine, malgré la splendeur des marbres de la chapelle des Médicis, ce voyage tourna rapidement au désastre. Valérie me reprochait sans cesse mes silences et d’oublier trop souvent sa présence ; je supportais mal ses bavardages et ses fréquentes haltes devant les vitrines des maroquiniers. En fait, nous n’avions jamais vraiment vécu ensemble, je veux dire tous les deux. Nous ne connaissions que l’intimité trompeuse du lit. Notre réelle séparation eut lieu à la Galerie des Offices, devant l’Annonciation de Botticelli ; comme je restais en admiration devant le tableau, fasciné par le damier rouge et blanc du dallage aux pieds de la Vierge et de l’Archange, Valérie me chuchota à l’oreille :

- Je continue toute seule… On se retrouve plus tard.

Ce fut ainsi qu’elle quitta ma vie, comme l’avait fait Clara trois années auparavant.

Je poursuivis seul le voyage.

De retour à la villa Ferjac, j’ai trouvé les portes verrouillées, les persiennes closes, la maison désertée. Dans la bibliothèque, tous les livres étaient rangés, en bon ordre, et il ne restait sur le bureau de chêne qu’une simple feuille de papier blanc, sans le moindre mot d’explication. Quelques cintres avaient été jetés sur le matelas de la chambre mauve dont l’armoire ouverte à deux battants découvrait ses étagères vides. Un léger voile de poussière semblait s’être posé sur la table de chevet où le réveille-matin avait cessé de battre la mesure.

Après de multiples coups de téléphone désemparés, j’ai fini par retrouver la trace de M. Bertholet. Selon le notaire, dès le lendemain de notre départ, il avait demandé à être admis dans la maison de retraite où sa place était réservée depuis la vente de la Villa Ferjac. Il y était décédé cinq jours plus tard, victime d’une paisible crise cardiaque. Il y avait dans la voix du notaire comme un reproche à peine voilé.

ferjac6-Botticelli, annunciazione di cestello

à suivre...

 

 

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Mercredi 20 février 2019 3 20 /02 /Fév /2019 08:00

"Villa Ferjac"

chapitre 5

Par curiosité plutôt que saisie d’un improbable remords, Clara était venue par deux fois nous rendre visite. Malgré l’extrême amabilité de M. Bertholet à son égard, elle en avait conclu que j’étais devenu définitivement cinglé et n’avait plus donné signe de vie.

ferjac5Lorsque je lui présentai Valérie, il y a maintenant six mois de cela, M. Bertholet fit montre de la même civilité que celle qui avait présidé aux visites de Clara. Pour l’occasion, il dérogea à la règle en acceptant mon invitation à dîner. Durant tout le repas, il fit preuve de beaucoup d’entrain et d’appétit, adressa des éloges flatteurs à la beauté de Valérie et, pour nous distraire, souleva le voile du mystère qui pesait encore sur les circonstances de la mort de Marius en 86 av J.C, écartant les hypothèses de l’assassinat ou du suicide, avant de nous décrire l’apothéose d’un coma éthylique à l’issue d’une beuverie fatale. Sous le charme, Valérie hésitait entre le rire et l’angoisse.

Cependant, le lendemain après-midi, alors que nous parcourions la grande allée sous les pins parasols, M. Bertholet me parut soucieux, presque inquiet, quand je lui annonçai que Valérie viendrait sans doute s’installer à la Villa Ferjac.

- C’est une décision grave, dit-il en fuyant mon regard. L’arrivée d’une femme dans la vie d’un homme est toujours un événement, à la fois un début et une fin… Vous ai-je déjà parlé de Volumnius Flamma, consul en 307 av J.C ?

Ce printemps-là, la présence quotidienne de Valérie dans la maison bouleversa toutes nos habitudes. M. Bertholet avait renoncé à son huis clos du rez-de-chaussée et passait maintenant la plus grande partie de la journée dans le parc et dans le jardin où Valérie avait aménagé des plates-bandes de fraisiers, semé des radis, et même planté un petit pêcher au pied d’un mur ensoleillé. Nos promenades au bord des vagues étaient devenues presque journalières et, le soir, il nous arrivait de dîner sous la tonnelle, dans la douceur du soleil couchant. Marie ne venait plus, mais M. Bertholet paraissait l’avoir oubliée, tout du moins ne fit-il jamais allusion à son absence. Ensemble, nous avions choisi la nouvelle couleur des persiennes qu’un artisan vint repeindre en bleu… Déjà, on envisageait des déplacements de meubles, de nouveaux papiers peints, le réaménagement de la cuisine devenue à nos yeux vétuste et malcommode… Dans tous ces projets, M. Bertholet se montrait le plus audacieux, le plus enthousiaste.

ferjac5-1

à suivre...

 

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Lundi 18 février 2019 1 18 /02 /Fév /2019 08:00

"Villa Ferjac"

chapitre 4

Chaque jour des trois années qui suivirent vit se renouveler avec le même bonheur la magie de notre rencontre.

J’avais investi les deux étages supérieurs, laissant à M. Bertholet  le libre usage du rez-de-chaussée. En fait, il ne quittait guère la bibliothèque que pour aller prendre du repos dans une chambre exiguë dont l’unique fenêtre donnait sur le jardin.

Dès que mon travail m’en donnait le loisir, je rentrais le midi pour déjeuner avec M. Bertholet. Nous étions servis par une jeune femme au visage niais qui arrivait chaque matin à neuf heures précises. Outre la préparation du repas, elle était aussi chargée des provisions et des tâches ménagères au rez-de-chaussée. M. Bertholet prétendait qu’elle s’appelait Marie. En trois années, je ne l’ai jamais entendue prononcer le moindre mot. Elle nous apportait les plats avec un sourire indifférent, vaguement stupide, comme si elle traversait l’existence en état d’hypnose.

Malgré les assiettes en faïence aux somptueux motifs d’un rose profond, malgré les couverts en argent et la nappe brodée, M. Bertholet ne prenait place à table qu’avec réticence. Il mangeait peu, sans précipitation, sans la moindre émotion. Un jour où je manifestais ma joie devant une coupe de fraises melba, il coupa court à mon enthousiasme :

- À votre place, je relirais Epicure. Vous avez dû en faire une lecture un peu trop rapide.

ferjac4 De nouveau seuls après le départ de Marie, quelle que fût la saison, nous ne manquions pas de faire une promenade paresseuse dans le parc sans toutefois nous approcher du portail donnant sur la rue… Tout en marchant à pas menus, M. Bertholet me contait l’histoire d’un homme politique remarquable de la Rome antique, comme celle de Lucius Papirius-Cursor, cinq fois consul, deux fois dictateur, et qui obtint à trois reprises les honneurs du triomphe après ses victoires face aux Samnites ; ou l’ironie du destin de Aulus Gabinius, homme lige de Pompée, tribun de peuple de 69 av J.C, consul en 58, qui avait condamné Cicéron à l’exil avant d’être défendu par sa propre victime…

Parfois, la pluie et le vent mêlés nous contraignaient à trouver refuge dans la serre où, sous les hautes fougères arborescentes qui se gorgeaient de lumière, il nous arrivait de découvrir la robe jaune et noire d’une salamandre et d’écouter les points d’exclamation d’un crapaud décidément invisible. M. Bertholet avait renoncé depuis longtemps aux plantes potagères et aux arbres fruitiers. Aussi le parc et le jardin étaient-ils livrés à la fantaisie des roses trémières, à l’étreinte des lierres et des clématites, à l’ivresse des sauges aux feuilles de velours pâle…

Aux premiers dimanches de printemps, nous descendions jusqu’à la mer. Seule concession de M. Bertholet au monde extérieur, nous marchions quelque temps au bord des vagues. De la pointe de sa canne, il traçait sur le sable humide un long trait continu que nous suivions au retour comme un fil d’Ariane entre les traces de nos pas inversés… Un jour où nous avions dû contourner une famille en train de pique-niquer bruyamment au pied de la digue, assise en cercle autour de sacs en papier éventrés et de boîtes multicolores de boissons gazeuses, il me dit malicieusement :

- Cela me fait penser qu’il faudra que je vous raconte la vie de Papirius Crassus, consul en 434 av J.C, et aussi celle de Valérius Poplicola au siècle suivant…

Puis, il se mit à rire. C’était la première fois que je le voyais ôter son masque austère. Le sourire plissait ses paupières derrière lesquelles s’effaçait son regard, découvrait ses dents de vieillard. J’aurais pu en être effrayé, mais cet éphémère accès de jovialité et d’humour me remplit d’une tendresse respectueuse et définitive.

 Dès notre retour à la Villa Ferjac, M. Bertholet se retirait dans ce qu’il appelait ses appartements. Pour tout dîner, il emportait une pomme, parfois un yaourt. Je gagnais le premier étage où je me laissais aller aux plaisirs solitaires et faciles de mon écran de télévision.

ferjac4-1

à suivre...

Par michel koppera - Publié dans : inédits - Communauté : Fantasmes et écriture
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Vendredi 15 février 2019 5 15 /02 /Fév /2019 08:00

"Villa Ferjac", chapitre 3

ferjac3-1Ayant dû pour des raisons professionnelles me rendre à Cologne puis à Milan, j’avais chargé une entreprise de procéder pendant mon absence au transfert à la Villa Ferjac des livres, de mes effets personnels et de quelques souvenirs plus intimes que j’avais pu sauver du naufrage de ma relation avec Clara. Cela tenait en peu de choses : il y avait d’abord un petit album photo qui contenait, outre les banals clichés de vacances ou de soirées d’anniversaires entre amis, une trentaine de photos où Clara avait posé nue pour moi. Ces images entretenaient la douleur de la rupture tant son corps y apparaissait désirable et délicieusement lascif. En partant, elle avait aussi oublié deux petites culottes – une sage en coton festonné, une autre plus canaille, stratégiquement ajourée – ainsi qu’une paire de bas noirs. Rien d’autre ? Ah si : un vieux magazine d’annonces échangistes, annoté de sa main, où elle avait elle-même sélectionné les quelques couples avec lesquels elle aurait aimé que nous partagions des nuits d’amour. Mais ses désirs n’allèrent pas plus loin qu’une lettre-réponse à une annonce qu’elle ne posta jamais.

Le jour de mon retour, un après-midi de novembre où soufflait une furieuse tempête de sud-ouest, j’eus la désagréable surprise de trouver les grilles du portail ouvertes à tout vent. La porte principale de la maison n’était même pas fermée à clef. J’étais encore à m’ébrouer dans le vestibule, maudissant la désinvolture des déménageurs, lorsque je découvris un rai de lumière filtrant sous la porte de la bibliothèque. Je sentis monter en moi une redoutable fureur.

Il était là, assis au bureau, penché au-dessus des livres, face à la fenêtre giflée par le vent et les giboulées. Je m’étais arrêté dans l’encadrement de la porte, stupéfait, incapable de détacher mon regard de son dos voûté, du pommeau de sa canne appuyée sur le bras du fauteuil…ferjac3-2

- Je sais ce que vous pensez, dit-il sans se retourner, mais je vous attendais avec impatience. Vous connaissez les élégies de Tibulle ? Alors, écoutez ceci :

« Crudeles Divi ! Serpens novus exuit annos :

Formae non illiam fata dedere moram. »

Mirabeau traduit ces deux vers par : « Dieux cruels ! Le serpent chaque année renouvelle sa robe ; mais le destin n’accorde aucun délai à la beauté. » Qu’est-ce que vous en dites ?

- Je ne sais pas… Il me semble que j’aurais plutôt commencé par « Divine cruauté ! », même si ce n’est pas la traduction littérale…

Et, au moment même où je prononçais ces mots, je sentis ma colère s’apaiser, mes nerfs se relâcher. Jamais plus je n’aurais la force d’exiger son départ.

à suivre...

 

 

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Mercredi 13 février 2019 3 13 /02 /Fév /2019 08:00

"Villa Ferjac "

Chapitre 2

Au cours de l’unique visite de la maison, quelques semaines avant la signature de l’acte de vente chez le notaire, je rencontrai enfin le propriétaire des lieux. Il était installé au rez-de-chaussée, dans une vaste pièce sombre. Sous la fenêtre, le bureau se nourrissait de toute la lumière du jour. Tout autour, les murs étaient tapissés d’ouvrages aux reliures de cuir odorant, à tel point que j’eus l’étrange sensation de pénétrer dans un immense sac à main. M. Bertholet m’avait tendu une main osseuse et froide.

ferjac2- Je vous trouve bien jeune pour vous encombrer d’une telle maison ! dit-il sans me regarder.

Assis au bureau devant deux livres ouverts, il écrivait.

- Maître Guyot vous a-t-il bien expliqué les conditions de vente ? reprit-il en posant son stylo au bord d’une page encore vierge.

Il se tourna vers moi. Dans le contre-jour brillaient ses yeux fatigués.

- Si j’ai bien compris, la maison est vendue meublée… Je m’engagerais à acheter l’ensemble, même la vaisselle, je crois.

- C’est cela ! À l’exception de mes effets personnels, bien entendu.

- Et il vous est indifférent de vous séparer de vos livres, de ces tableaux aux murs du salon ? Vous savez, si c’est une question d’argent, on peut trouver un arrangement… Je ne voudrais pas avoir l’impression de vous dépouiller.

Mais il ne me regardait plus, paraissait même ne plus m’écouter.

- Tout. Je vends tout, répéta-t-il avec conviction.

Devant mon désarroi, le notaire tint à me rassurer. Il m’attira un peu à l’écart.

- M. Bertholet reste seul, sans famille… C’est, comment dire, un original, une sorte d’antiquité, si vous préférez.

- Et après, où va-t-il s’installer ?

Le notaire avait haussé les épaules, évoquant une possible maison de retraite, quelque part dans le Sud… De toute évidence, il n’en savait rien.ferjac2-2

Notre seconde rencontre eut lieu un mois plus tard, dans l’étude feutrée de Maître Guyot pour la signature de l’acte de vente. Je vis enfin M. Bertholet en pleine lumière, assis en face de moi, le corps enveloppé dans un lourd manteau de ratine. De ses doigts maigres, il jouait avec une canne à pommeau d’ivoire posée sur ses genoux. Tout en prêtant une oreille distraite à la litanie procédurière du notaire, je regardai ses cheveux clairsemés aux boucles encore sombres, l’arête de son nez busqué, l’arc touffu de ses sourcils qui ombraient ses yeux cernés de rides sèches. Ses lèvres dessinaient une moue dédaigneuse, mais presque souriante, à l’adresse de Maître Guyot qui poursuivait sa lecture minutieuse. Quand il se leva pour la signature, il me parut à la fois très grand et immensément fragile, comme si un simple souffle de vent ou un mot trop brutal eussent suffi à le faire chanceler.

Il me revint alors en mémoire une leçon de latin avec un très vieux professeur que l’on admirait, peut-être parce qu’il semblait venu d’une autre époque, avec ses longs cheveux blancs, ses doigts déformés, ses rides qui lui déchiraient le visage, sa démarche lente et claudicante. Je le vois encore montrer avec sa canne le tableau noir, se retourner, l’œil vif et malicieux, et nous révéler avec un charmant sourire : « Fluctuat nec mergitur ».

à suivre...

 

 

 

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Lundi 11 février 2019 1 11 /02 /Fév /2019 08:00

"Villa Ferjac"

Cette nouvelle qui décevra sans doute les amateurs de scènes "hard" est la dernière qui devait composer le recueil "Cortisone Climax", recueil non publié suite au décès brutal de mon éditeur. Cette nouvelle écrite à la fin des années 80 fait directement référence à un épisode de ma vie qui date de l'année 1986. Pour des raisons professionnelles, j'avais été amené à habiter seul pendant près de six mois dans une grande villa très kitch construite au début du siècle (vers 1930) perchée en haut d'une falaise face à l'océan. Chaque soir, j'avais droit à un coucher de soleil grandiose sur les îles... Je garde de précieux souvenirs de ces mois de solitude presque monastique.

Chapitre 1

De la fenêtre de la chambre mauve, à deux pas du ciel lourd, on devine la mer. La maison est vieille maintenant, malgré ses persiennes fraîchement repeintes en bleu. Il me serait difficile d’expliquer en quelques mots comment j’en suis arrivé à ne plus quitter cette fenêtre sans horizon.

ferjac1

Lorsque j’ai acheté la maison, je venais de rompre avec Clara, ou, plus exactement, son départ avec la moitié de notre bibliothèque et sept années de souvenirs venait de mettre un point final à notre indifférence routinière. Plus rien ne nous attachait l’un à l’autre, pas même les joies du lit où nous avions partagé tant de moments heureux. Pourtant, mes doigts gardèrent longtemps en mémoire la douceur de son ventre de velours et, parfois, le parfum de son sexe pulpeux flottait encore dans mes draps de solitude.

Enfant, jamais je n’aurais imaginé que je puisse un jour franchir les hautes grilles du portail, pénétrer dans le parc et parcourir les allées sous les pins parasols qui dérobaient la maison aux regards des passants. Le visage de notre mère s’assombrissait lorsqu’au retour d’une de nos escapades printanières, nous lui avouions être passés par l’Allée des Cormorans pour faire halte quelques instants devant le portail toujours clos de la Villa Ferjac.

- Attendez que j’en parle à votre père quand il va rentrer ! Vous allez voir !

Elle nous promettait alors les pires châtiments. Mais, le soir venu, elle se gardait bien de lui en souffler mot, allant même jusqu’à nous adresser de muettes prières si, par hasard, notre père nous demandait où nous avions passé l’après-midi.

à suivre... 

Par michel koppera - Publié dans : inédits - Communauté : Fantasmes et écriture
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Vendredi 14 décembre 2018 5 14 /12 /Déc /2018 08:00

"Le dîner", chapitre 6

Quatre années passèrent.  Des élections législatives anticipées provoquèrent la chute brutale de la majorité et par conséquent du gouvernement. Les élections sénatoriales de l’année suivante m’offrirent l’opportunité de m’asseoir dans un fauteuil plus stable à défaut d’être aussi prestigieux. Mais, pour un homme de quarante-six ans, c’était une situation enviable. Je fus donc élu, certes à une courte majorité, mais élu tout de même.

Le hasard voulut que, presque à la même époque, un putsch de généraux mit un terme au règne de Sarmel Colo 1er. Condamné à une fuite sans gloire, il trouva refuge dans un pays voisin d’où il ne tarda pas à constituer un gouvernement en exil. Sa popularité était intacte et les instances internationales traînaient des pieds pour reconnaître le nouveau régime issu du coup d’état. Je le vis une fois à la télévision, interviewé par un journaliste américain : Sarmel Colo était moins à l’aise en anglais que dans notre langue, mais il n’avait rien perdu de sa lucidité, ni de sa force de persuasion.

Aussi, afin de le discréditer aux yeux de l’opinion publique internationale, parut un livre banalement intitulé Crépuscule d’un règne. L’auteur en était Attoumane M’Lambéou. Ce dernier était devenu un des caciques du nouveau régime et, à bien y réfléchir, cette trahison me parut dans l’ordre des choses.

Comme de bien entendu, l’ouvrage n’était qu’une longue litanie de griefs fielleux à l’encontre de Sarmel Colo 1er et de ses prédécesseurs. Au fil des chapitres, le souverain déchu était accusé pêle-mêle, d’avoir bradé les ressources de l’archipel, d’avoir bafoué les valeurs sacrées de l’Islam, d’avoir sciemment détruit la culture traditionnelle de son pays au profit de valeurs perverses directement importées d’occident, d’avoir amassé une fortune personnelle colossale arrachée sou à sou au peuple soumis à sa tyrannie, d’avoir mené son pays à la banqueroute et de l’avoir livré aux appétits mercantiles des banquiers internationaux… Un tissu de mensonges et de contrevérités qui suscitaient chez le lecteur un tant soit peu objectif le rire et l’indignation. Il y avait même, vers la fin, un chapitre intitulé : Les turpitudes sexuelles de Sarmel Colo 1er. Décidément, Attoumane M’Lambéou ne reculait devant aucune abjection !

Et j’y lus ceci :

diner6« Au cours de ses voyages à l’étranger – qui furent nombreux car il se préoccupait davantage de son prestige personnel que des souffrances quotidiennes de son peuple – Sarmel Colo 1er ne manquait jamais de donner libre cours à sa lubricité. Ses desseins étaient facilités si le but du voyage était la signature d’un contrat destiné à brader les richesses du pays à des occidentaux peu scrupuleux. Il s’arrangeait pour se faire inviter personnellement chez un ministre pour un dîner privé. Au fil des années, son immoralité étant notoirement connue, on jetait entre ses griffes un jeune secrétaire d’état, voire un chef de cabinet peu aguerri. Sarmel Colo se rendait à l’invitation en compagnie de son épouse Mariame, nymphomane et corrompue. Invariablement, au milieu de la nuit, ils usaient du même stratagème pour éloigner le mari encombrant : une difficulté de dernière minute dans la rédaction d’un document officiel, difficulté qui ne pouvait se résoudre qu’à l’ambassade où se trouvaient les complices de leurs basses œuvres. Si le mari tombait dans le piège en acceptant de jouer les bons offices et s’absentait pour quelques heures, Sarmel Colo et sa Messaline pouvaient donner libre cours à leur perversité. Certes, il arriva que des épouses honnêtes se dérobent et refusent d’entrer dans leur jeu, mais Mariame avait des arguments de charme et Sarmel Colo, le peuple en fut si souvent victime, était passé maître dans l’art de la duplicité : on croyait à ses mensonges médiatiques, à son charabia de bonimenteur libéral. L’infortunée finissait le plus souvent par se laisser convaincre…Le trio d’un soir se livrait alors à une petite sauterie triangulaire dont le metteur en scène et l’acteur principal n’étaient autres que Sarmel Colo et son membre royal. Il serait ici indécent de décrire les turpitudes de ce couple satanique. Que le lecteur sache qu’aucune bassesse n’était épargnée à leur victime consentante. Comble de l’ignominie, la scène était filmée dans son intégralité et dans ses détails les plus scabreux par le chauffeur de Sarmel Colo qui assistait à cette misérable débauche.

S’il était parvenu à ses fins, Sarmel Colo se montrait magnanime. À son honorée victime, il offrait un bijou de valeur, le plus souvent un collier. Quant au malheureux époux, il se voyait toujours remettre le même cadeau rituel : une montre suisse en platine. Aujourd’hui encore, dans les ministères du monde entier, combien de maris bafoués arborent fièrement à leur poignet le prix de leur infortune ? » 

 © Michel Koppera  

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Par michel koppera - Publié dans : inédits - Communauté : Fantasmes et écriture
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Mercredi 12 décembre 2018 3 12 /12 /Déc /2018 08:00

"Le dîner", chapitre 5

Deux heures et demie du matin ! Il était plus de deux heures et demie du matin lorsque je les retrouvai tous les quatre assis au salon, en grande conversation sur les dangers de l’information en direct. Béatrice, très volubile, me donna l’impression d’avoir bu plus que de raison. Calé dans un fauteuil, Attoumane M’Lambéou écoutait en silence, les yeux mi-clos. Quant à Sarmel Colo, la main posée sur l’avant-bras de son épouse, il continuait d’être égal à lui-même, d’un calme rassurant.

- Te voilà, chéri ! minauda Béatrice en me voyant rentrer. On commençait à s’inquiéter. Désolée, nous ne t’avons pas attendu pour le dessert !

diner-5-2- Mais votre femme a tenu à vous garder une belle part au frais ! ajouta Sarmel Colo en empochant l’enveloppe bleutée que je lui tendais. Merci beaucoup, Monsieur Koppera, je n’oublierai jamais ce que vous avez fait pour moi.

Tout le long du trajet retour, ma colère avait eu le temps de s’apaiser. Au contact de Sarmel Colo, les dernières vapeurs de ressentiment ne tardèrent pas à se dissiper.

Et la conversation reprit, avec le même entrain, comme si je ne m’étais jamais absenté. Ils prirent congé vers quatre heures du matin. Je m’endormis serein, avec le délicieux sentiment du devoir accompli.

 

En attendant l’arrivée de Sarmel Colo 1er, je me retrouvai sur les marches du perron aux côtés du ministre.

- Alors, Koppera, cette soirée ?

- Aucun problème, Monsieur le Ministre. Comme vous me l’aviez dit, c’est un homme charmant.

Je ne saurais dire pourquoi, mais une soudaine intuition me fit passer sous silence mon expédition nocturne.

- Et comment va le père de votre femme ?

Ma question sembla le prendre au dépourvu ; il s’accorda quelques instants de réflexion.

- Euh… Très bien… Enfin, je veux dire mieux, beaucoup mieux ! Il est sans doute tiré d’affaire… Et vous, comment avez-vous trouvé sa femme ?

L’arrivée de la voiture officielle de Sarmel Colo 1er dans la cour d’honneur me dispensa d’une réponse embarrassée. La réception au ministère et la cérémonie de signature des accords bilatéraux durèrent deux bonnes heures. À aucun moment, je ne pus me trouver aux côtés de Sarmel Colo, mais il ne manqua pas de m’adresser à plusieurs reprises des regards de connivence qui me remplirent d’orgueil.

Puis il partit vers d’autres obligations. Son séjour dura encore deux jours, mais la suite de son programme n’était plus du ressort de notre ministère et, le Président partant pour l’Extrême-Orient, le travail m’absorba tout entier. J’étais plongé dans la rédaction d’un mémorandum traitant de l’influence de la mousson sur l’économie du sud-est asiatique, et plus particulièrement sur les fluctuations du cours de l’opium, lorsque je reçus la visite d’un attaché d’ambassade qui avait été chargé par Sarmel Colo, à la veille de son départ, de me remettre en mains propres un paquet confidentiel qui contenait deux écrins de cuir noir. Dans le premier, je découvris un superbe collier orné de trois émeraudes de taille respectable ; dans le second, une luxueuse montre d’origine helvétique, en platine de surcroît. Les deux présents étaient accompagnés d’une petite lettre où je reconnus l’écriture droite de Sarmel Colo 1er.diner5

« Monsieur Koppera,

je vous prie d’accepter ces deux cadeaux en remerciement de votre chaleureuse hospitalité. Le collier pour votre épouse en mémoire de son délicieux dessert, la montre pour vous-même en dédommagement des heures précieuses que vous avez perdues pour moi.

Votre obligé, Sarmel Colo 1er. »

 

à suivre...

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