Je n’y pense plus. Enfin, pas vraiment. Disons que cela ne fait pas partie de mes projets immédiats. Au bout d’un mois, c’est la mère de Nicolas qui revient à la charge. Elle a rencontré Hélène devant le portail de la maternelle, elles ont échangé des politesses de mamans, puis parlé, sympathisé. Elle nous a invités à dîner.
- Tu sais qu’elle élève son fils toute seule, me raconte Hélène. Elle s’appelle Dominique. Avant, ils étaient aux Antilles. Elle m’a dit que le père de Nicolas était navigateur, le genre de gars qui n’est jamais là… On ne dirait pas qu’elle a quarante-deux ans. Qu’est-ce que tu en penses ?
- Ce que je pense de quoi ?
- De son âge. Ça lui fait dix ans de plus que nous. À côté d’elle, je me sens comme une gamine.
- Voyons, quand on a un mari, un petit garçon de quatre ans et un corps comme le tien, on n’est plus une gamine !
- Je dois prendre ça comme un compliment ?
- À ton avis ?
Hélène ne répond pas, se colle contre moi, me couvre de baisers humides. Elle est toute chaude.
Samedi, fin de soirée. Les enfants jouent dans la chambre de Nicolas, Dominique et Hélène papotent devant l’évier. Elles se tutoient. La blonde et la brune me tournent le dos et me paraissent de même taille, à quelques millimètres près. Hélène est en robe, Dominique en jean. Je ne peux m’empêcher de poser mon regard sur ses fesses : il n’y a pas à dire, elle a un beau cul. La voilà qui vient vers moi, un carton à dessins sous le bras. Moi aussi, j’ai droit au tu :
- Tiens, en attendant qu’on ait fini de faire la vaisselle, tu pourrais jeter un œil sur mon projet. Je t’ai préparé un petit résumé de l’histoire et aussi quelques dessins… Regarde bien, tu me diras après ce que tu en penses.
L’histoire est celle d’un enfant de huit ans, seul habitant d’un minuscule archipel de trois îles. Il y vit heureux jusqu’au jour où des pirates le capturent et l’emmènent avec eux. Le chef des pirates se prend d’amitié pour le gamin, l’initie à la navigation et à la vie. Quand il comprend que l’enfant n’est pas à sa place dans cette communauté d’hommes sans foi ni loi, il le remet aux bons soins d’un commandant de navire marchand. L’enfant est alors élevé comme son petit-fils par la mère du commandant. Plus tard, à l’âge adulte, le héros devient skipper, grand navigateur engagé dans les courses autour du monde en solitaire. En fait, il cherche à retrouver l’archipel de son enfance. En vain.
L’histoire est intéressante. Dominique a déjà réalisé une bonne dizaine de gouaches : portraits de l’enfant, paysages des îles natales, marines… Il y a à la fois de la technique et de la sensibilité. Je suis sous le charme. Et puis, après les gouaches, je tombe sur une série de cinq dessins au crayon, cinq autoportraits. Pas de doute, c’est bien elle. Tout y est : les lunettes, la coupe de cheveux, le grain de beauté sur la pommette gauche… Et le reste, ce que je n’ai encore jamais vu : ses seins, ses cuisses, son ventre, son sexe… Car elle s’est dessinée nue dans des poses très obscènes et d’un réalisme cru.
- Ça te plaît ? me demande-t-elle en reprenant le carton à dessins.
- Je dois reconnaître que l’histoire est belle… Les illustrations aussi.
Elle me sourit.
Hélène est ravie que j’accepte de travailler avec Dominique.
- Tu sais, elle a besoin de retrouver confiance en elle, me dit-elle dans la voiture alors que nous reprenons le chemin de la ville. Quand elle m’a raconté le scénario et m’a montré les dessins, j’étais sûre que ça allait te plaire.
- Tu dis que tu as vu les dessins !
- Oui… J’ai trouvé les couleurs superbes. Ça fait rêver, non ?
- Sans aucun doute…
De toute évidence, Hélène n’a pas vu exactement la même chose que moi, mais je n’en dis pas un mot.
à suivre...
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