Vendredi 20 juillet 2018 5 20 /07 /Juil /2018 08:00

Jonathan LITTELL, "Une vieille histoire, nouvelle version"

Editions NRF Gallimard, 2018, 370 pages

littell

Pour présenter ce roman inclassable qui dans sa construction en spirale n'est pas sans me rappeler des romans du nouveau roman comme "La Jalousie" de Robbe-Grillet, ou des films de Godard, le plus simple est de lire la quatrième de couverture rédigée par J. Littell lui-même 

littell2

Chapitre III, pages 110-111

littell4

" Tandis qu'il se douchait je me déshabillai, rangeant la robe dans l'armoire et jetant au panier à linge mes sous-vêtements ; puis, sans un regard cette fois pour le miroir au pied du lit, je m'étendis sur les draps, couchée sur le flanc, ma peau nue, très blanche sous la lueur de la lune, se découpant nettement devant mes yeux sur l'entrelacement des longues herbes vertes. L'homme était sorti de la salle de bains et, agenouillé  sur le lit derrière moi, pressait son corps encore humide contre le mien. Je glissai ma main dans mon dos et, sans tourner la tête, caressai son ventre ferme, ses poils épais et bouclés, la peau très douce de sa verge qui, molle encore, se dressait imperceptiblement sous mes doigts. Sa propre main parcourait ma peau, effleurait mon sein, mes côtes, repoussait mes cheveux défaits sur mon visage pendant que ses lèvres chatouillaient ma nuque. J'étendis ma jambe et me tournai sur le ventre, pressant mes littell3fesses contre lui ; sa main me passa sur le pubis pour venir jouer avec les lèvres de mon sexe, les pinçant, les roulant l'une contre l'autre avant de les séparer, le sang les gonflait et mon bassin se tendait de lui-même, ses doigts creusaient, insistaient, se mettaient à les masser, les recouvrant du fluide qui s'épandait entre elles. Je cambrai les reins et agrippai des deux mains le tissu du drap alors que son sexe se frayait un chemin à l'intérieur du mien, l'ouvrant tout à fait et l'inondant de chaleur. Lentement, ses hanches se mirent à bouger, diffusant cette chaleur qui montait m'irriguer tout le bassin ; mais c'était comme le bassin d'une autre qui prenait tout ce plaisir, loin de moi, tout à fait détaché. Je me hissai sur une épaule et tournai la tête sous mon bras : dans la glace, blanchis par la lumière de la lune, je distinguais nettement son cul et le haut de ses cuisses nerveuses couvertes de duvet blond, les miennes aussi coincées en dessous, avec suspendues entre elles des formes sombres, rougeâtres, indistinctes. Fascinée par ce spectacle incongru, je vis alors pour un long moment défiler dans le miroir les culs de tous les hommes qui s'étaient ainsi pressés contre le mien, avec patience, fébrilité, joie ou frénésie, leurs verges aussi, raides et tressaillant de plaisir, m'ouvrant encore et me faisant sombrer dans une jouissance obscure qui n'avait plus rien à voir avec ce long corps blanc perdu dans les herbes vertes des draps, pantelant et offert, le mien semblait-il."

Par michel koppera - Publié dans : lectures x - Communauté : Fantasmes et écriture
Ecrire un commentaire - Voir les 0 commentaires
Mercredi 18 juillet 2018 3 18 /07 /Juil /2018 08:00

Si vous êtes en vacances au soleil et/ou au bord de la mer, peut-être aurez-vous l'occasion (la chance ?) de croiser de jeunes femmes libérées et sans complexe "portant" un clitini. Comme son nom l'indique, le bas de cet avatar du traditionnel bikini ne recouvre que le clitoris et la fente vulvaire...

pour plus d'infos, voir le blog antiintox

clitini1

clitini3

clitini2

Par michel koppera - Publié dans : au jour le jour - Communauté : Arts érotiques
Ecrire un commentaire - Voir les 2 commentaires
Lundi 16 juillet 2018 1 16 /07 /Juil /2018 08:00

Lu et vu dans le Canard Enchaîné n° 5094 du mercredi 13 juin 2018, cette brève et ce dessin de Diego Aranega à propos de l'élection de Miss America

" Les candidates au titre de Miss America n'auront plus à défiler en maillot de bain ni en robe de soirée et pourront porter la tenue de leur choix. " Elles ne seront plus jugées sur leur physique " a sérieusement annoncé la présidente du conseil d'adminsitration de l'organisation. Sur quoi alors  ? "Les candidates s'entretiendront en direct avec les juges à propos de leurs réussites et de leurs buts dans la vie, ainsi que la façon dont elle emploieront leurs talents, leur passion et leur ambition au poste de Miss America."

miss-america

Par michel koppera - Publié dans : au jour le jour
Ecrire un commentaire - Voir les 0 commentaires
Samedi 14 juillet 2018 6 14 /07 /Juil /2018 08:00

14 juillet. Que se passe-t-il après le défilé ? Le prestige de l'uniforme agit-il encore ? Voici quelques réponses puisées au fil de l'histoire...

14-07-1

14-07-2

14-07-3

14-07-4

14-07-5

14-07-6

Par michel koppera - Publié dans : au jour le jour - Communauté : Arts érotiques
Ecrire un commentaire - Voir les 0 commentaires
Vendredi 13 juillet 2018 5 13 /07 /Juil /2018 08:00

Le saviez-vous ? # 109

Pendant toute l'antiquité grecque et romaine, dans tout le bassin méditerranéen, ont été façonnées de petites statuettes en terre cuite appelées "Baubo". Ces statuettes représentaient une jeune femme, robe retroussée, debout ou assise, les cuisses le plus souvent écartées, exposant sa vulve très ouverte ou un bas-ventre à figure humaine.

baubo

Dans la mythologie grecque, Perséphone, fille de la déesse Déméter, fut enlevée par Hadès. Déméter chercha désespérément à retrouver sa fille. De passage à Eleusis, elle fut accueillie chez Baubo. Pour tenter d'apaiser le chagrin de Déméter qui refusait de manger, Baubo retroussa alors sa robe et montra son sexe à la déesse. Ce spectacle amusa Déméter qui finit par accepter de s'alimenter.

baubo2

baubo4

Cet épisode est à l'origine des statuettes grivoises. Le mot "Baubo" vient sans doute d'un verbe grec qui signifie "dormir, s'endormir" en référence à l'initiative de la jeune femme pour endormir le chagrin de Déméter. En grec, le mot Baubo sert aussi à désigner le sexe féminin.

baubo5

baubo1

Par michel koppera - Publié dans : le saviez-vous ? - Communauté : Arts érotiques
Ecrire un commentaire - Voir les 2 commentaires
Mercredi 11 juillet 2018 3 11 /07 /Juil /2018 08:00

" Les adieux", nouvelle inédite

Chapitre 8

- Non, laisse ! C’est moi qui t’invite.

D’un geste d’une surprenante vivacité, Cynthia venait de s’emparer de l’addition que le serveur avait imprudemment posée sur la table. Elle était enceinte jusqu’au bord des paupières légèrement bouffies par la fatigue et le poids de la grossesse. Pendant tout le repas, elle avait gardé le pied posé contre le mien ; entre chaque plat, elle m’avait pris la main. Maintenant qu’approchait l’heure, elle ne me lâchait plus, ni des doigts, ni des yeux.

adieux8- Attends, j’ai encore quelque chose à te demander.

Que je n’aimais pas ça !

- S’il te plaît, avant de partir là-bas, j’aimerais que tu me fasses un dernier cadeau…

- Tu me laisses choisir ?

- Non. Je te demande de me rendre les lettres que je t’ai envoyées, et aussi les photos que tu as prises de moi. Toutes les photos, tu me comprends ? Ecoute, ne me dis pas que tu ne les as pas gardées ! Je te connais, je suis sûre que tu as tout rangé dans une boîte, dans l’ordre chronologique. Je t’en prie, fais-moi plaisir !

- Mais pourquoi me demandes-tu ça ? Et pourquoi aujourd’hui ? De quoi as-tu peur ?

 J’ai senti se relâcher l’étreinte de sa main. J’en ai profité pour me libérer et vider mon verre où stagnait encore un fond de bordeaux.

- Je t’écoute, pourquoi ?

Elle regardait par la fenêtre, vers le parking maintenant presque désert.

- Je vais me marier, la semaine prochaine. C’est pour le bébé, ce sera plus simple à sa naissance. Crois-moi, c’est purement administratif. Tu es fâché ?

- M’as-tu déjà vu en colère ? Mais pour les lettres et les photos, c’est non. Je les garde. Et toi, qu’est-ce que tu as fait des miennes ?

Elle haussa les épaules. Il y avait quelque chose de cassé. Soudain, elle m’apparut très laide, malgré sa peau cannelle, malgré les reflets cuivrés de ses cheveux, malgré tous nos souvenirs…

- Ce sera un garçon ou une fille ?

Elle répondit sans me regarder, les yeux sur les miettes de la nappe.

- Une fille. On voudrait l’appeler Camille. C’est joli, non ? Tu t’en vas déjà ?

Il était trop tard pour me retenir.

 adieux8-1

L’avion a décollé vers six heures du soir. J’étais venu seul, en train, avec une grosse valise et un sac de voyage. Dans la nuit, on a fait escale à Dubaï. À côté de moi, il y avait deux Norvégiens qui se rendaient dans les Emirats pour prendre le commandement d’un pétrolier. Ils ont libéré leurs sièges et j’ai pu dormir jusqu’au matin avec la rangée pour moi tout seul. Vitesse au sol, 973 km/h ; altitude, 33000 pieds ; température extérieure, -43° C.

Juste un transit d’une heure et demie à la Réunion, avant de prendre un autre avion, plus petit. On y parlait d’autres langues, les peaux s’étaient assombries… Ainsi commença une nouvelle vie.  

FIN

 

                 

 

    

 

Par michel koppera - Publié dans : inédits - Communauté : Fantasmes et écriture
Ecrire un commentaire - Voir les 0 commentaires
Lundi 9 juillet 2018 1 09 /07 /Juil /2018 08:00

"Les adieux", nouvelle inédite 

Chapitre 7

Elle était imprévisible, capable du pire comme du meilleur. Elle m’avait habitué au pire. Mais ce jour-là, elle avait posé sur la table une bouteille de Saint-Julien, crû grand bourgeois, d’un âge déjà vénérable.

- On n’attend pas Guillaume ?

- Non. Il passe la journée chez un copain. Qu’est-ce que tu penses du vin ?

- Excellent ! Et ton gratin dauphinois aussi.

Elle s’était maquillée : carmin violent sur les lèvres, liseré de mascara aux paupières, vernis à ongles sanglant… Donc, toasts au tarama, carré d’agneau et gratin dauphinois, salade verte au vinaigre de xérès, bavarois aux fraises… Propos de table : travail, saveurs, films récents, actualité politique… Mais de mon départ, il n’était pas question.

Elle avait servi le dessert sur la table du salon, au centre du demi-cercle formé par le canapé et les fauteuils.

- Bois ton café, je vais chercher les papiers.

adieux7-0Elle avait disparu dans les entrailles de l’appartement. Je n’allais pas tarder à céder aux délices de la sieste. La chaîne-hifi diluait une musique douce dans la moiteur confortable des rideaux tirés. Dans la tasse, un fond de sucre roux commençait à se figer.

Elle a posé quelques feuillets imprimés sur la table. Elle ne portait plus qu’un léger peignoir qui découvrait ses jambes gainées de bas résille… Avec ses talons hauts, elle me parut tout à coup gigantesque. Elle prit place dans le fauteuil, juste en face, croisa les jambes pour me laisser entrevoir la peau blanche de ses cuisses, au-delà de ses bas suspendus.

- J’ai acheté des courgettes et des concombres, dit-elle avec un détachement soigneusement calculé.

Le nœud du désir m’étreignait déjà l’estomac. Elle poursuivit sur le même ton anodin.

- Et aussi une petite aubergine. Elles sont à tremper dans l’eau chaude… Je t’ai préparé le camescope.

Elle dénoua la ceinture du peignoir et m’apparut dans toute sa splendeur lubrique, à peine vêtue d’une lingerie magnifiquement obscène qui projetait ses seins vers le ciel, transformait son bas-ventre velu en une étrange architecture de soie rose, de poils noirs, de dentelle blanche, d’ombres lourdes, de chairs luisantes…

Et sa vulve végétalienne avalait tout, jusqu’à satiété. Elle voulait des séquences provocantes, du plan large au gros plan obstétrique, sous les angles les plus audacieux, comme pour attester de sa performance. Entre deux prises de vue, elle se laissait aller aux confidences.

- Qu’est-ce que je vais devenir ? Y as-tu pensé ? Donne-moi l’aubergine ! Tu étais le seul à me comprendre. J’ai bien essayé avec d’autres, mais ils m’ont prise pour une détraquée. Toi, tu sais bien que je ne suis pas folle…J’ai peur. Attends, pas encore. Tu ne peux pas imaginer comme c’est bon ! Mais toute seule, ce n’est pas pareil ; il faut que tu me regardes, que tu me dises que c’est beau, que je sente le poids de tes yeux sur mon corps… C’est pour ça que je fais des films. Je me les repasse, la nuit, dans le secret de ma chambre. Je me vois et c’est comme si tu me regardais. Je t’enverrai une copie de la cassette, tu veux bien ? Vas-y, tu peux tourner, je sens que je vais jouir !

Le film touchait à sa fin.

- À toi maintenant ! S’il te plaît, viens !

Elle me retenait prisonnier dans l’étau de ses jambes…

- Tu veux un autre café ? Tiens, en attendant, lis ces papiers !

adieux7-1

Elle est repartie dans la salle de bains. Bruits de tuyauterie. Rien que des formulaires bancaires ou judiciaires, des autorisations de prélèvement, des délégations de pouvoir… Elle revint, le visage et le pantalon fermés.

- C’est quoi ce papier ?

- Ça ? C’est mon avocat qui me l’a donné. C’est un formulaire  où tu demandes à renoncer à l’autorité parentale. Tu comprends, quand tu seras à dix mille kilomètres, il faudra bien que je prenne des décisions toute seule.

- Et la pension alimentaire, ce n’est plus le montant habituel ? Là, je vois qu’elle a presque doublé !

Elle se maintenait à distance.

- Bien sûr ! Tu t’imaginais peut-être que tu allais pouvoir partir comme ça, sans assumer tes responsabilités. Je te rappelle que Guillaume est maintenant au collège et qu’il a grandi ! Il coûte cher, de plus en plus cher ! Je vais l’avoir sans arrêt sur le dos, tous les week-ends, toutes les vacances… Tu ne vas pas me dire que tu ne peux pas payer, avec tout le fric que tu vas te faire là-bas !

- Ce n’est pas ce que je veux dire, mais…

- Alors, ne dis rien ! Ce gosse, on l’a bien eu ensemble, non ? Ça fait presque dix ans que je m’en occupe seule. T’es quand même un beau salaud ! Tu te barres au soleil, à toi la belle vie ! Et nous, alors ? Et tu te permets de pinailler ? Tu ne manques pas de culot !

Et elle parlait, parlait… Plus moyen d’échapper à son hystérie verbale. Je n’écoutais plus. J’ai signé.

 

à suivre...

adieux7

Par michel koppera - Publié dans : inédits - Communauté : Fantasmes et écriture
Ecrire un commentaire - Voir les 0 commentaires
Vendredi 6 juillet 2018 5 06 /07 /Juil /2018 08:00

"Les adieux", nouvelle inédite

Chapitre 6

- C’est encore loin ?

Il est assis à l’arrière. Il n’a rien changé à ses habitudes. À peine installé dans la voiture, il a ouvert un livre. Les seules paroles qu’il m’adresse sont pour me demander le sens d’un mot ou me reprocher la longueur du trajet. Il a douze ans, c’est mon fils.

J’arrête la voiture au sommet d’une falaise qui domine la mer et des îles qu’on devine à l’horizon brumeux.

- Allez, descends ! On va marcher un peu.

adieux6-1Il fait la moue et soupire en refermant son livre.

- Ce n’est pas beau ?

- Si. Mais qu’est-ce que ça va nous donner d’aller voir de plus près ? Je parie que l’eau est froide, et de toute façon, je n’ai pas emporté mon maillot de bain.

Il me suit avec réticence, maudissant les accidents du sentier qui dévale entre les tumulus de granite déchiqueté. Sur la petite plage, il se contente de lancer des galets dans les vagues.

- Tu reviens quand ?

- Dans deux ans, mais j’espère bien que tu vas venir me rendre visite.

Silence.

- Je ne sais pas… Treize heures d’avion, c’est long !

- Peut-être, mais à l’arrivée, il y a le climat tropical, un autre monde…

- Justement. Je ne supporte pas la chaleur et encore moins les moustiques. Et puis, je parie que là-bas, je m’ennuierais. Ça ne m’intéresse pas vraiment. On s’en va ?

La voiture se traîne dans les encombrements des banlieues.

- Papa ?

- Oui, Guillaume, je t’écoute.

J’ai cru déceler dans sa voix comme une note de tendresse et d’inquiétude.

- Qu’est-ce que tu vas m’offrir pour Noël ?

- Je n’en sais rien. Mais pourquoi me parles-tu de ça ? C’est dans plus de quatre mois !

- Bien, comme tu vas t’en aller, tu pourrais y penser maintenant… J’ai envie d’une console de jeux vidéo. J’en ai vu une qui me plaît… Tiens, regarde !

Il me tend une page arrachée dans un catalogue. La référence et le prix sont entourés d’un trait rouge très épais.

- C’est pas trop cher ?

- Non, ce n’est pas le prix qui me gêne.

- Quoi, alors ? Elle n’est pas bien ? Si ? Alors, tu pourrais la commander avant de partir, comme ça je serais sûr de l’avoir pour la fin de l’année…

- Je vais m’en occuper.

- Merci, papa. Où est-ce qu’on va maintenant ?

- On rentre.

La porte franchie, il se précipite vers la télécommande du téléviseur et se laisse tomber dans le canapé. Hélène me retient dans le hall de l’immeuble.

- J’ai des papiers administratifs à te faire signer… As-tu quelque chose de prévu pour demain midi ? Alors, viens déjeuner avec nous. On règlera ça calmement…

à suivre...

 

Par michel koppera - Publié dans : inédits - Communauté : Fantasmes et écriture
Ecrire un commentaire - Voir les 0 commentaires
Mercredi 4 juillet 2018 3 04 /07 /Juil /2018 08:00

"Les adieux", nouvelle inédite

Chapitre 5

Il ne restait plus qu’une poignée de jours et j’étais l’objet de toutes les convoitises. Pourtant, pendant toutes ces années, je ne les avais quittés ni des yeux, ni de la voix. Mais ils ne me voyaient pas, ne m’entendaient pas, même s’ils feignaient de m’écouter. Et maintenant que j’allais partir, ils se lamentaient.

- Mais pourquoi tu t’en vas ? Tu n’étais pas bien avec nous ?

Ils avaient organisé un grand repas familial, presque solennel. On avait battu le rappel : vieilles tantes, cousins lointains ou cordialement exécrés, amis de la famille… Il fallait marquer le coup. Le mariage et la mort demeuraient des motifs d’éloignement ou d’absence raisonnables. Mais partir, quelle idée !

adieux5À table, on m’avait placé en vis-à-vis un proche parent doué d’une sotte arrogance. Il crut bon de me livrer, en connaisseur, les enseignements d’un bref et unique séjour touristique, déjà vieux d’une dizaine d’années, qui l’avait mené dans l’hémisphère sud.

- Méfie-toi de la cuisine ! C’est épicé, c’en est presque immangeable ! Mais des paysages superbes… Et, là-bas, la vie, ça coûte rien ! Un repas au resto, une misère. On se demande souvent comment ils peuvent y arriver. Tu as pensé à la Nivaquine ? Parce que les moustiques… Et les femmes !

- Elles piquent aussi ?

- D’une certaine façon, belles à faire rêver !

- Tu rêves, toi ? Je n’aurais pas cru.

À l’autre extrémité de la table, ma mère me couvait du regard comme un nouveau-né. Mon père affectait le détachement viril. Il n’y avait que ma grand-tante octogénaire qui donnait libre cours à son désarroi.

- Mon pauvre petit ! Quand tu reviendras, je serai morte. Approche-toi que je te voie bien ! Tu as fait couper tes cheveux ? Pour la chaleur ? Tu es beaucoup mieux comme ça. Dis-moi, tu n’as pas peur de partir tout seul ? Tu ne connais personne, là-bas…

- Et toi, ma tante, tu es toute seule aussi, depuis des années et des années… Et tu ne changes pas.

- Oui, mais moi je suis vieille. J’ai l’impression que j’ai toujours été vieille. Crois-moi, méfie-toi de la solitude.

Elle me tenait la main, mais c’était elle l’enfant perdue.

Les bouteilles de champagne se succédaient. Et la vie reprenait son cours normal. On parlait déjà de mon retour, comme si mon exil ne devait être qu’une parenthèse. Pas question de point-à-la-ligne ! Non, tout au plus un aparté du destin. Même absent, ma place restait à leurs côtés, sur la scène, dans la même tragi-comédie en un acte, nulle part ailleurs…

- Tu sais, j’ai fréquenté autrefois un marin qui allait jusqu’en Chine, me confia ma grand-tante après m’avoir lâché la main. On se voyait une ou deux fois par an, ça dépendait des escales. Il m’a rendue à la fois très heureuse et très malheureuse. Tu comprends ça ?

- Tu aurais pu l’épouser…

- Je n’y ai jamais vraiment songé. Ce n’était pas sérieux. Pourtant, il devait m’aimer un peu pour revenir chaque fois me rendre visite. Rien ne l’obligeait… Et toi, quand tu reviendras, retourneras-tu voir ton amie ? Comment s’appelle-t-elle déjà ?

- Cynthia. Je t’en prie, ma tante, il ne faut plus parler d’elle.

- Alors, il va te falloir du courage !

Et puis, il y eut le sorbet à la poire, les photos souvenirs, le café, la promenade digestive, les rires et les pleurs des enfants, le rituel de la partie de manille… Enfin, ils sont tous repartis, par voitures entières, avec de grands gestes d’adieu par les portières aux vitres baissées. Guillaume est venu m’embrasser, un baiser furtif et pressé, comme d’habitude. Je l’ai retenu par le bras.

- Je viendrai te chercher demain matin. On passera la journée ensemble.

- Pour quoi faire ?

- Je ne sais pas encore. On verra.

 

à suivre...

 

Par michel koppera - Publié dans : inédits - Communauté : Fantasmes et écriture
Ecrire un commentaire - Voir les 0 commentaires
Lundi 2 juillet 2018 1 02 /07 /Juil /2018 08:00

"Les adieux", nouvelle inédite

Chapitre 4

- Serge ne devrait pas tarder. Il est allé au vidéo-club louer une cassette vidéo pour la soirée… Tu peux te servir à boire en attendant !

adieux4- Non, j’ai tout mon temps, et puis je veux rester lucide jusqu’au bout.

Cécile me sourit. Elle était dans la cuisine, pieds nus, en jupe noire et caraco rouge sang, à surveiller une petite marmite où mijotaient des légumes.

- Qu’est-ce que tu nous prépares ?

- Un truc tout simple : poivrons, aubergines, courgettes…

- J’espère que tu n’as pas tout épluché ! Si ?

- Arrête ! Tu sais bien que je déteste ça ! Au fait, qu’est-ce qu’ils cultivent là-bas ?

- Des bananes, du manioc, et toutes sortes de tubercules aux formes aphrodisiaques et aux vertus magiques !

- Je t’en prie, ne te moque pas de moi !

On est allés s’installer dans le salon pour attendre Serge qui tardait. Cécile me parlait de ses projets, rien que des plans plutôt glauques. Elle avait croisé les jambes et polissait de la paume de la main son genou sans défaut.

- Pourtant, dit-elle, ce n’était pas mal ce qu’on avait construit ensemble… Tu ne penses pas ?

- Si, mais cela ne pouvait plus durer. Tu le sais bien. Et puis, vous trouverez quelqu’un d’autre. Serge, qu’est-ce qu’il en dit ?

- Tu le connais, difficile de savoir ce qu’il ressent, au plus profond. Il dit que ça ne sert à rien d’en faire un drame, mais je pense qu’il est très inquiet.

- Inquiet pour qui ?

- Pour lui ! Il a sans doute peur de me perdre. Depuis que Samyra est partie, ce n’est plus comme avant. Et toi, tu crois que tu vas recommencer là-bas ?

Je n’y croyais pas du tout et cela ne faisait pas partie de mes projets. Samyra ? C’était elle qui avait initié toute cette aventure. On n’avait jamais su d’où elle sortait, ni qui elle était vraiment. Kabyle, sans doute… Je l’avais rencontrée deux ans auparavant, une nuit de juin, sur un car-ferry entre Southampton et Cherbourg. On s’était revus. Puis, elle m’avait présenté Cécile qui vivait avec un ami qui s’appelait Serge. Une fois par mois, le temps d’un week-end, on se retrouvait tous les quatre ensemble. On se promenait, on allait au restaurant ou en boîte… Et puis, tout le reste était arrivé, presque naturellement. Ça avait duré plus d’un an et demi, jusqu’au départ de Samyra. On n’avait pas cherché à la remplacer, espérant toujours son retour prochain…

adieux4-0

Serge est arrivé. Il avait trouvé un film, Black and White Party ça s’appelait. Il avait cru me faire plaisir. Il riait trop et découvrait sa gencive où manquait une canine. Cécile accomplit ses devoirs d’hôtesse avec toute l’ardeur de ses trente-deux ans. Elle y mit une application zélée, toute la tendresse obscène du désespoir. Ainsi tenta-t-elle dans des accouplements redoublés et simultanés de suppléer la définitive absence de Samyra. Elle y parvint en renversant les ultimes barrières de sa pudeur.

Cependant, malgré nos rires et nos soupirs, malgré nos désirs frénétiques, malgré l’ivresse blanche du plaisir, ce fut une nuit triste, une nuit sans la flamme du lendemain. Au petit matin, nous étions déjà des étrangers, trop éloignés pour pouvoir échanger un dernier signe d’amitié. Serge souriait encore, mais le carré noir de sa canine absente avait quelque chose de pitoyable. Il avait les lèvres en deuil.

- C’est promis, je vous écris dès mon arrivée !

 

à suivre...

Par michel koppera - Publié dans : inédits - Communauté : Fantasmes et écriture
Ecrire un commentaire - Voir les 1 commentaires

Présentation

Créer un Blog

Recherche

Calendrier

Novembre 2024
L M M J V S D
        1 2 3
4 5 6 7 8 9 10
11 12 13 14 15 16 17
18 19 20 21 22 23 24
25 26 27 28 29 30  
<< < > >>

Archives

Créer un blog sexy sur Erog la plateforme des blogs sexe - Contact - C.G.U. - Signaler un abus - Articles les plus commentés