Mardi 20 avril 2021
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Philippe DJIAN, "Dispersez-vous, ralliez-vous !" est un roman paru chez Gallimard
en 2016 (Collection poche Folio n° 6293, 216 pages)
À peine sortie de l'adolescence, Mayriam, la narratrice, a épousé Yann, un homme aussi âgé que son père. Ils
ont eu une petite fille. Mais, il lui faudra des années avant de connaître le plaisir. Jusqu'à...
Pages 109-110 : retour de soirée.
" Pendant que Yann payait la baby-sitter, j'ai ôté mes chaussures et je suis allée prendre l'air
sur la terrasse avant de rejoindre ma chambre. Il faisait bon, la lune était presque pleine, d'un blanc éclatant au-dessus du parc, bleuissant les toitures zinguées du zoo. Malgré la distance,
une forte odeur de fauve me parvenait portée par une brise tiède qui soulevait ma robe légère.
Quand j'ai senti une main se glisser entre mes jambes. Il ne se passait pas grand-chose sur le plan sexuel avec mon mari et je pense qu'en temps normal je l'aurais dissuadé
de poursuivre, je me serais éloignée sans un mot car il m'agaçait, ses jeux m'agaçaient, ne me disaient rien, me laissaient froide, mais je me suis contentée de sourire, étonnamment, et je me
suis tournée vers lui en l'interrogeant du regard.
De sa main libre, il tenait deux verres. Me considérant d'un air jovial. Nous étions déjà
éméchés tous les deux. Je ne l'étais pas au point d'attendre autre chose que l'ennui habituel où aboutissaient nos séances, mais je ne me suis pas dérobée à sa caresse, je suis restée bonne
fille, je me suis tortillée, et d'ailleurs je commençais à mouiller — ce qui n'était pas toujours le cas avec lui.
Excuse-moi d'avoir été désagréable tout à l'heure, a-t-il déclaré. Ce petit morveux m'exaspère.
(référence à un incident de la soirée)
Comme je me sentais d'humeur étrange, rêveuse, et que je ne voulais pas qu'il malmène davantage
ma culotte, je l'ai enlevée. Il m'a dit reste comme ça, reste penchée.
Quand il s'est retiré, j'ai eu l'impression que j'allais m'effondrer sur les genoux. J'en avais
encore les lèvres qui tremblaient, le front moite, les yeux ronds. C'était la première fois de ma vie que je jouissais au cours d'un rapport. J'en suis restée stupéfaite.
Je n'ai rien dit. Scotchée, la respiration toujours sifflante, je l'ai entendu remonter son
pantalon derrière moi, reboucler sa ceinture. Il a dit je vais préparer des sandwiches, okay.
J'ai hoché la tête sans me retourner. Je me suis demandé si je n'étais pas en train de
rêver.
Plus tard, devant le miroir de ma salle de bains, mon cœur se remettait à battre à la simple
pensée de ce qui m'était arrivé. La surprise m'étourdissait encore. L'irrésistible montée du plaisir qui engloutissait tout, qui frappait comme la foudre, sans avertir. La découverte du passage
secret qui m'avait fait tant rire jusqu'à maintenant. Mes pointes de sein en étaient encore dures et mes joues roses. Répondre à Greg (son ami) m'est totalement sorti de
l'esprit.
Après quelques efforts, j'ai renoncé à me branler dans mon lit. Je me suis endormie avec un pâle
sourire et un corps de plomb, l'esprit en feu. Dans un monde un peu plus vaste néanmoins."
Bonus. Page 83, cette comparaison pour décrire la difficulté qu'on éprouve
parfois à dire les choses :
" Souvent, lorsque j'avais quelque chose d'important à dire, les mots ne venaient pas, ils
restaient bloqués dans ma gorge comme des cotons-tiges enchevêtrés dans un siphon."
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