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Vendredi 11 juin 2021 5 11 /06 /Juin /2021 08:00

Nana est un roman de la saga des Rougon-Macquart paru en 1880. Le personnage de Nana est devenu l'archétype de la jeune femme issue d'un milieu modeste voire misérable qui, grâce à sa beauté et à une folle ambition, se hisse dans la haute société en usant de son corps. D'abord prostituée dès l'âge de 16 ans, elle devient demi-mondaine, puis femme entretenue qui côtoie le "tout Paris" des artistes, des hommes politiques influents et surtout des riches hommes d'affaires. Evidemment, afin que la morale soit sauve, après une gloire éphémère, la chute est inéluctable. Pour Nana, ce sera la ruine et la maladie (syphilis).

C'est en seconde au lycée que j'ai entrepris la lecture intégrale des Rougon-Macquart et j'avoue qu'à l'époque, je n'avais pas saisi le caractère sulfureux du récit de Zola. Je me souviens que j'avais été surtout impressionné par la description de l'alambic dans l'Assommoir, du festin de Noël chez Gervaise ou encore par la condition des mineurs de fond dans Germinal

Extrait du chapitre 7 de Nana. En fin de soirée, Nana, en pleine possession de sa beauté encore juvénile, se retrouve dans son appartement en compagnie du Comte Muffat qui l'entretient.

" Un des plaisirs de Nana était de se déshabiller en face de son armoire à glace, où elle se voyait en pied. Elle faisait tomber jusqu’à sa chemise ; puis, toute nue, elle s’oubliait, elle se regardait longuement. C’était une passion de son corps, un ravissement du satin de sa peau et de la ligne souple de sa taille, qui la tenait sérieuse, attentive, absorbée dans un amour d’elle-même. Souvent, le coiffeur la trouvait ainsi, sans qu’elle tournât la tête. Alors, Muffat se fâchait, et elle restait surprise. Que lui prenait-il ? Ce n’était pas pour les autres, c’était pour elle.

Ce soir-là, voulant se mieux voir, elle alluma les six bougies des appliques. (...)

Lâchant la chemise, attendant que Muffat eût fini sa lecture, elle resta nue. Muffat lisait lentement. La chronique de Fauchery, intitulée la Mouche d’Or, était l’histoire d’une fille, née de quatre ou cinq générations d’ivrognes, le sang gâté par une longue hérédité de misère et de boisson, qui se transformait chez elle en un détraquement nerveux de son sexe de femme. Elle avait poussé dans un faubourg, sur le pavé parisien ; et, grande, belle, de chair superbe ainsi qu’une plante de plein fumier, elle vengeait les gueux et les abandonnés dont elle était le produit. Avec elle, la pourriture qu’on laissait fermenter dans le peuple remontait et pourrissait l’aristocratie. Elle devenait une force de la nature, un ferment de destruction, sans le vouloir elle-même, corrompant et désorganisant Paris entre ses cuisses de neige, le faisant tourner comme des femmes, chaque mois, font tourner le lait. Et c’était à la fin de l’article que se trouvait la comparaison de la mouche, une mouche couleur de soleil, envolée de l’ordure, une mouche qui prenait la mort sur les charognes tolérées le long des chemins, et qui, bourdonnante, dansante, jetant un éclat de pierreries, empoisonnait les hommes rien qu’à se poser sur eux, dans les palais où elle entrait par les fenêtres. (...)

Alors, il leva les yeux. Nana s’était absorbée dans son ravissement d’elle-même. Elle pliait le cou, regardant avec attention dans la glace un petit signe brun qu’elle avait au-dessus de la hanche droite ; et elle le touchait du bout du doigt, elle le faisait saillir en se renversant davantage, le trouvant sans doute drôle et joli, à cette place. Puis, elle étudia d’autres parties de son corps, amusée, reprise de ses curiosités vicieuses d’enfant. Ça la surprenait toujours de se voir ; elle avait l’air étonné et séduit d’une jeune fille qui découvre sa puberté. Lentement, elle ouvrit les bras pour développer son torse de Vénus grasse, elle ploya la taille, s’examinant de dos et de face, s’arrêtant au profil de sa gorge, aux rondeurs fuyantes de ses cuisses. Et elle finit par se plaire au singulier jeu de se balancer, à droite, à gauche, les genoux écartés, la taille roulant sur les reins, avec le frémissement continu d’une almée dansant la danse du ventre.

Muffat la contemplait. Elle lui faisait peur. Le journal était tombé de ses mains. Dans cette minute de vision nette, il se méprisait. C’était cela : en trois mois, elle avait corrompu sa vie, il se sentait déjà gâté jusqu’aux moelles par des ordures qu’il n’aurait pas soupçonnées. Tout allait pourrir en lui, à cette heure. Il eut un instant conscience des accidents du mal, il vit la désorganisation apportée par ce ferment, lui empoisonné, sa famille détruite, un coin de société qui craquait et s’effondrait. Et, ne pouvant détourner les yeux, il la regardait fixement, il tâchait de s’emplir du dégoût de sa nudité.

Nana ne bougea plus. Un bras derrière la nuque, une main prise dans l’autre, elle renversait la tête, les coudes écartés. Il voyait en raccourci ses yeux demi-clos, sa bouche entr’ouverte, son visage noyé d’un rire amoureux ; et, par derrière, son chignon de cheveux jaunes dénoué lui couvrait le dos d’un poil de lionne. Ployée et le flanc tendu, elle montrait les reins solides, la gorge dure d’une guerrière, aux muscles forts sous le grain satiné de la peau. Une ligne fine, à peine ondée par l’épaule et la hanche, filait d’un de ses coudes à son pied. Muffat suivait ce profil si tendre, ces fuites de chair blonde se noyant dans des lueurs dorées, ces rondeurs où la flamme des bougies mettait des reflets de soie. Il songeait à son ancienne horreur de la femme, au monstre de l’Écriture, lubrique, sentant le fauve. Nana était toute velue, un duvet de rousse faisait de son corps un velours ; tandis que, dans sa croupe et ses cuisses de cavale, dans les renflements charnus creusés de plis profonds, qui donnaient au sexe le voile troublant de leur ombre, il y avait de la bête. C’était la bête d’or, inconsciente comme une force, et dont l’odeur seule gâtait le monde. Muffat regardait toujours, obsédé, possédé, au point qu’ayant fermé les paupières, pour ne plus voir, l’animal reparut au fond des ténèbres, grandi, terrible, exagérant sa posture. Maintenant, il serait là, devant ses yeux, dans sa chair, à jamais.

Mais Nana se pelotonnait sur elle-même. Un frisson de tendresse semblait avoir passé dans ses membres. Les yeux mouillés, elle se faisait petite, comme pour se mieux sentir. Puis, elle dénoua les mains, les abaissa le long d’elle par un glissement, jusqu’aux seins, qu’elle écrasa d’une étreinte nerveuse. Et rengorgée, se fondant dans une caresse de tout son corps, elle se frotta les joues à droite, à gauche, contre ses épaules, avec câlinerie. Sa bouche goulue soufflait sur elle le désir. Elle allongea les lèvres, elle se baisa longuement près de l’aisselle, en riant à l’autre Nana, qui, elle aussi, se baisait dans la glace."

zola-fabio fabbi

Illustration: tableau de Fabio Fabbi (1861-1946)

 

Par michel koppera - Publié dans : lectures x - Communauté : Fantasmes et écriture
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Vendredi 28 mai 2021 5 28 /05 /Mai /2021 08:00

"Affamée" est un premier roman de Raven Leilani, paru aux USA en 2020 aux éditions Farrar ( titre original : Luster. Jeu de mots complexe sur luster = gloss, lust = désir et lusted = assoiffée, en manque ). Traduit en francais par Natahlie Bru, il est paru en France aux éditions Le cherche midi en 2021 ( 312 pages)

Edie est une jeune afro-américaine qui travaille à New-York dans une maison d'édition. En quête d'un bonheur qui la fuit sans cesse, elle multiplie les aventures sexuelles avec ses collègues de travail, jusqu'à ce qu'elle rencontre Eric, un quadragénaire blanc et marié. Cette rencontre va bouleverser son existence. Un roman dont je vous recommande la lecture si vous désirez en savoir plus sur les fractures sociales et raciales de l'Amérique contemporaine.

Extrait pages 36-37 : Edie recense ses aventures au bureau.

"L'accueil de Mike, le nouveau, avec ses petits doigts et son jargon des ressources humaines pendant que je le débarrasse de son pantalon. Jake, du service informatique, à dix-huit heures, avec sa chaîne porte-clés, qui monte me voir et me souffle dans le cou des mots doux sur les privilèges administrateur tout en s'occupant de mon écran cassé. Hamish, des contrats, dans la salle d'allaitement, avec sa mèche bleue et ses cuisses velues, qui me demande si adorablement de l'appeler Seigneur. Tyler, directeur éditorial des départements Arts de vivre et Développement personnel, ses magazines sur le papier glacé et ses fixe-chaussettes, qui pousse ma tête vers le bas, en pleine conversation téléphonique avec le bureau de Dublin. Vlad, du service courrier, avec son mauvais anglais, par terre, au milieu des chips de calage. Arjun, des forces de vente Grande-Bretagne, avec ses cheveux noirs gominés et ses avant-bras de méchant de dessin animé, remonté à bloc contre Scholastic qui lui pique tous ses bons vendeurs. Jake, du service informatique, de nouveau, parce que ces ordinateurs, c'est de la merde, et parce qu'il a la plus jolie bite que j'aie jamais vue. Tyrell, de la fabrication, avec son demi-sourire, dans un box des toilettes à la fête de Noël du bureau, les guirlandes lumineuses dessinant comme un écho fractal dans ses yeux sombres. Michelle, du juridique, assise sur le photocopieur, ses bas autour du cou, dans la lueur tremblotante des néons. Kieran, des romans gothiques, qui me prend par-derrière en palabrant à n'en plus finir sur le démembrement qu'il me réserve, et moi qui ris sans savoir pourquoi. Jerry, la poule aux œufs d'or de la boîte, avec ses romans jeunes adultes aux héros cancéreux, qui me fait tendrement l'amour dans la salle de conférences avec vue arérienne sur le Rockfeller Center, et moi qui pleure sans savoir pourquoi. Joe, le non-lecteur de la non-fiction policière, à l'orgasme expéditif et sonore, qui me dit négresse et juste après maman. Jason, des manuels scientifiques, qui veut que je pleure comme avec Jerry, et pour finir, je pleure oui, mais chez moi. Adam, de la littérature érotique chrétienne, avec son éjaculation faciale qui me laisse de marbre. Et puis Jake, de nouveau, parce que mon clavier est kaput, sauf que ce n'est pas Jake, cette fois, mais John, de l'informatique, lequel m'apprend en glissant la main sous mon chemiser que Jake a eu un accident de voiture et qu'a priori les nouvelles ne sont pas bonnes.

Et quelque part au milieu, Mark. Mark, le chef du département artistique, où l'air sent le papier tiède et où tout le monde est heureux."

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Vendredi 21 mai 2021 5 21 /05 /Mai /2021 08:00

En attendant l'arrivée du Prince Charmant

C'est un incontournable des lectures sexualisées du conte de Perrault : Blanche-neige ne serait pas si "blanche" que ça ! Dans ce dessin, j'aime particulièrement son sourire,. Faussement endormie, elle n'a pas l'air mécontente de se faire baiser par ses sept compagnons. Une sorte d'enterrement de sa vie de jeune fille avant d'entrer dans la routine de la vie conjugale ? Je dois reconnaître que l'idée est séduisante.

blanche-neige

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Vendredi 14 mai 2021 5 14 /05 /Mai /2021 08:00

"Conversations entre amis" est un roman de Sally Rooney, auteure irlandaise née en 1991. Ce roman est paru en 2017 aux éditions Faber & Faber sous le titre original "Conversations with friends". Traduit en français par Laetitia Devaux, l'édition française aux Editions de l'Olivier date de 2019. On peut désormais le trouver en poche, dans la collection POINTS n° P5324 (337 pages)

Mon avis : magnifique roman contemporain dont je vous recommande chaudement la lecture. Voici pour vous mettre en appétit le texte de la 4ème de couverture : Dublin, de nos jours, Frances et Bobby, étudiantes et poètes-performeuses, rencontrent Melissa, photographe et écrivain, et son mari Nick, acteur. Ensemble, ils refont le monde, critiquent le capitalisme, prennent des photographies, écrivent, vivent. C'est le début d'une histoire d'amitié et de séduction menant à un "mariage à quatre" où la confusion des sentiments fait rage.  

Extrait 1 : pages 81-82. Frances (la narratrice) fait pour la première fois l'amour avec Nick.

" En montant à l'étage, j'ai annoncé à Nick que je n'avais jamais couché avec un homme. Il m'a demandé si c'était important, j'ai répondu que je ne pensais pas, mais que ça pouvait lui faire bizarre s'il l'apprenait ensuite. Pendant que nous nous déshabillions, j'essayais de paraître décontractée et d'empêcher mes membres de trembler violemment. J'avais peur de me devêtir devant lui, mais je ne savais pas comment cacher mon corps sans avoir l'air gêné et peu sexy. Il avait un buste très imposant, comme celui d'une statue. J'aurais aimé retrouver la même distance entre nous que lorsque j'étais sur scène sous les applaudissements, car elle me semblait tout à coup protectrice, voire indispensable. Pourtant quand il m'a demandé si j'étais sûre de vouloir faire ça, je me suis entendue dire : je ne suis pas vraiment venue pour discuter, tu sais.

Au lit, il me demandait régulièrement si ça me plaisait. Je lui répondais que ça me plaisait. Je me sentais toute rouge et je m'entendis faire beaucoup de bruit — des syllabes, pas de vrais mots. L'intérieur de mon corps était aussi bouillant que de l'huile. J'étais prise par une énergie si dévorante et intense  qu'elle en paraissait menaçante. Je t'en prie, disais-je. je t'en prie, je t'en prie. Nick a fini par se redresser pour attraper une boîte de préservatifs dans sa table de nuit, et je me suis dit : peut-être qu'après, je ne pourrai plus jamais parler. Mais je l'ai laissé faire. Il a murmuré un "désolé", comme si les quelques secondes d'attente constituaient une bévue de sa part.

Ensuite, je suis restée couchée sur le dos, tremblante. J'avais été tellement bruyante et démonstrative qu'il m'était désormais impossible de feindre l'indifférence comme je le faisais dans mes mails.

 C'était plutôt agréable, ai-je dit."

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Extrait 2 : page 87. Frances rencontre maintenant régulièrement Nick

"Le sexe était si bon que je criais souvent. Nick aimait bien que je sois sur lui car il pouvait alors s'adosser à la tête de lit et me parler. Je voyais qu'il aimait quand je lui disais combien c'était bon. C'était très facile de le faire jouir quand je répétais ces mots. Parfois, j'aimais faire ça rien que pour sentir mon pouvoir sur lui, et ensuite, il s'excusait : Oh mon Dieu, je suis désolé, c'est vraiment gênant. J'aimais encore plus ça que le sexe."

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Vendredi 30 avril 2021 5 30 /04 /Avr /2021 08:00

Danièle Thompson : "La femme de l'amant", roman (248 pages) paru en 1994 aux Editions Grasset & Fasquelle 

Dans cette histoire en miroir d'adultères sur le schéma classique du mari quinquagénaire qui tombe sous le charme d'une jeunette, on est plongé dans la faune bobo des beaux quartiers parisiens. On travaille chez des galiéristes ou dans des multinationales, on passe le week-end à Venise ou à La Baule... On pourrait se croire dans un film de Claude Sautet qui aurait pour titre : " Cécile, Laetitia, Ferdinand, Vladimir, Philomène et les autres..."

Extrait pages 147-148. Philomène avec son amant

" Encore trois étages. C'est trop haut, trop long. Philomène s'arrête, serrre les cuisses sur la main épaisse et chaude qu'il vient de glisser sous sa minijupe de velours. Elle sourit. Elle attend l'autre main. Son sein gauche est extirpé de sa chemise. Elle n'a pas mis de soutien-gorge ce soir. Pas de collant. Exprès. Elle feint de vouloir monter quelques marches. Les mains la suivent, la poussent, doigts qui s'accrochent et descendent la culotte, puis Vladimir la plaque contre le mur rugueux de l'escalier de service, la retourne, plonge dans les mamelons qu'il gonfle en les poussant vers sa bouche. Philomène fouille le tweed et la laine jusqu'à la peau, pour l'embrasser, la respirer. Au sixième étage elle est presque nue. Ils rient en essayant de trouver la serrure. Il l'entraîne à l'intérieur. La porte du studio claque derrière eux. Ce qui reste de vêtements est arraché, jeté alentour. Tout ne semble qu'amas sous la lumière douce et contrastée des rayons de lune : tissu froissé, linge en boule, autour du couple enchevêtré contre le mur. Ils roulent à terre dans un râle, s'immobilisent enfin. À bout de souffle. Longtemps."

d-thompson

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Mardi 20 avril 2021 2 20 /04 /Avr /2021 08:00

Philippe DJIAN, "Dispersez-vous, ralliez-vous !" est un roman paru chez Gallimard en 2016 (Collection poche Folio n° 6293, 216 pages)

À peine sortie de l'adolescence, Mayriam, la narratrice, a épousé Yann, un homme aussi âgé que son père. Ils ont eu une petite fille. Mais, il lui faudra des années avant de connaître le plaisir. Jusqu'à...

Pages 109-110 : retour de soirée

" Pendant que Yann payait la baby-sitter, j'ai ôté mes chaussures et je suis allée prendre l'air sur la terrasse avant de rejoindre ma chambre. Il faisait bon, la lune était presque pleine, d'un blanc éclatant au-dessus du parc, bleuissant les toitures zinguées du zoo. Malgré la distance, une forte odeur de fauve me parvenait portée par une brise tiède qui soulevait ma robe légère. 

djian-dispersezQuand j'ai senti une main se glisser entre mes jambes. Il ne se passait pas grand-chose sur le plan sexuel avec mon mari et je pense qu'en temps normal je l'aurais dissuadé de poursuivre, je me serais éloignée sans un mot car il m'agaçait, ses jeux m'agaçaient, ne me disaient rien, me laissaient froide, mais je me suis contentée de sourire, étonnamment, et je me suis tournée vers lui en l'interrogeant du regard.

De sa main libre, il tenait deux verres. Me considérant d'un air jovial. Nous étions déjà éméchés tous les deux. Je ne l'étais pas au point d'attendre autre chose que l'ennui habituel où aboutissaient nos séances, mais je ne me suis pas dérobée à sa caresse, je suis restée bonne fille, je me suis tortillée, et d'ailleurs je commençais à mouiller — ce qui n'était pas toujours le cas avec lui.

Excuse-moi d'avoir été désagréable tout à l'heure, a-t-il déclaré. Ce petit morveux m'exaspère. (référence à un incident de la soirée)

Comme je me sentais d'humeur étrange, rêveuse, et que je ne voulais pas qu'il malmène davantage ma culotte, je l'ai enlevée. Il m'a dit reste comme ça, reste penchée.

Quand il s'est retiré, j'ai eu l'impression que j'allais m'effondrer sur les genoux. J'en avais encore les lèvres qui tremblaient, le front moite, les yeux ronds. C'était la première fois de ma vie que je jouissais au cours d'un rapport. J'en suis restée stupéfaite.

Je n'ai rien dit. Scotchée, la respiration toujours sifflante, je l'ai entendu remonter son pantalon derrière moi, reboucler sa ceinture. Il a dit je vais préparer des sandwiches, okay.

J'ai hoché la tête sans me retourner. Je me suis demandé si je n'étais pas en train de rêver.

Plus tard, devant le miroir de ma salle de bains, mon cœur se remettait à battre à la simple pensée de ce qui m'était arrivé. La surprise m'étourdissait encore. L'irrésistible montée du plaisir qui engloutissait tout, qui frappait comme la foudre, sans avertir. La découverte du passage secret qui m'avait fait tant rire jusqu'à maintenant. Mes pointes de sein en étaient encore dures et mes joues roses. Répondre à Greg (son ami) m'est totalement sorti de l'esprit.

Après quelques efforts, j'ai renoncé à me branler dans mon lit. Je me suis endormie avec un pâle sourire et un corps de plomb, l'esprit en feu. Dans un monde un peu plus vaste néanmoins."

Bonus. Page 83, cette comparaison pour décrire la difficulté qu'on éprouve parfois à dire les choses :

" Souvent, lorsque j'avais quelque chose d'important à dire, les mots ne venaient pas, ils restaient bloqués dans ma gorge comme des cotons-tiges enchevêtrés dans un siphon." 

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Mardi 23 mars 2021 2 23 /03 /Mars /2021 08:00

Premier roman d'Elena Ferrante, "L'amour harcelant" est paru en 1992. Publié en France chez Gallimard en 1995, on le trouve en poche Folio, n° 6755 (220 pages)

Comme dans la plupart des ouvrages d'Elena Ferrante, le récit a pour cadre la ville et la région de Naples.

Extrait page 88-89: Delia , la narratrice, se trouve dans une boutique de lingerie fine où des bourgeoises napolitaines essaient des sous-vêtements.

" Je lançai un regard aux personnes auxquelles avait fait allusion la vendeuse : femmes qui hurlaient dans un dialecte plein d'une allégresse féroce, riaient bruyamment, étaient couvertes de bijoux très précieux, sortaient des cabines en slip et soutien-gorge ou en succcincts maillots de bain peau de léopard, dorés, argent, étalaient des chairs abondantes striées de vergetures et trouées de cellulite, se contemplaient le pubis et les fesses, se soulevaient les seins dans la coupe de leurs mains, ignoraient les vendeuses et s'adressaient dans ces poses à une espèce de videur tiré à quatre épingles et déjà bronzé, placé là exprès pour canaliser leur flux de lires et menacer des yeux les vendeuses inefficaces.

ferrante-amour harcelant

Ce n'était pas la clientèle que je m'étais imaginée. On aurait dit des femmes dont les hommes s'étaient enrichis d'un seul coup et facilement, les jetant dans un luxe provisoire dont elles étaient contraintes de jouir avec une sous-culture de sous-sol humide et surpeuplé, de bandes dessinées semi-pornos, d'obscénités ressassées comme des rengaines. C'étaient des femmes contraintes dans une ville-maison d'arrêt, d'abord corrompues par la misère et maintenant par l'argent, sans solution de continuité. À les voir et à les entendre, je me rendis compte que je devenais intolérante. Elles se comportaient avec cet homme comme mon père s'imaginait que se comportaient les femmes, comme il imaginait que se comportait sa femme à peine il tournait les talons, comme aussi peut-être Alamia (la mère de la narratrice) avait rêvé pendant toute sa vie de se comporter : une femme du monde qui se baisse sans être forcée de mettre deux doigts au milieu de son décolleté, qui croise ses jambes sans faire attention à sa jupe, qui rit avec vulgarité, qui se couvre d'ors et déborde de tout son corps en sollicitations sexuelles continuelles et indifférenciées, joutant entre quatre yeux avec les hommes dans la lice de l'obscène." 


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Mardi 16 février 2021 2 16 /02 /Fév /2021 08:00

Lala &ce est une rappeuse d'origine franco-ivoirienne âgée de 26 ans qui vient de sortir son second album intitulé EVERYTHING TASTEFUL. 

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Adepte du tennis, d'où son pseudo d'artiste, Lala aime surtout les femmes et son homosexualité assumée et revendiquée se retouve dans quasiment toutes ses chansons au rythme lent et chaloupé, le chopped and screwed. Dejà, rien que les titres donnent le "la" : Amen, Parapluie, Wet, Gargamel, Serena... Il y est beaucoup question de fesses (le botcho), de pussy, de seins, de fluides intimes... mais aussi de codéine et autres drogues. Sans oublier les cocktails comme des potions magiques : Sirop contre la toux, à la codéine, mélangé à du Fanta tropical, rien de tel pour obtenir un délicieux breuvage de femme-fontaine : " J'suis avec ma Tina, Ma latina, Elle fait beaucoup d'eau comme Brita, J'peux rentrer dans son habitat."

 Extraits de Parapluie

"J'ai vu tes appels, babe, vu qu't'étais apprêtée, vu qu't'as rien à perdre.

Toi t'es un malheur, t'as les titties pour allaiter,

J'veux qu'tu sois mienne.

Pluie annoncée, juste une p'tite pill, j'suis lancée, une chute romancée, juste un peu d'pluie annoncée (...)

Girl, j'te donne ça bien, j'suis dans pussy jusqu'à la fin

Sous parapluie y'a plein, plein, plein, plein,,plein,

Sous parapluie y'a plein, plein, plein, quand ça coule j'en ai plein.

Baby, t'es eyes on me, appuie ton ass on me."

 

 et de Amen 

"J'vois son botcho, j'dis Amen

Now j'ai la dalle comme Gargamel

J'veux ta cannelle caramel, non c'est là, c'est pas après,

Touche mon chapelet, ma planète."

lala ace


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Vendredi 12 février 2021 5 12 /02 /Fév /2021 08:00

"California Girls", roman de Simon LIBERATI paru aux éditions Grasset & Fasquelle en 2016. Livre de Poche n° 34706.

Excellent roman qui retrace les quelques jours de 1969 qui ont vu, sur les hauteurs de Los Angeles, les adeptes de Charles Manson se livrer à un massacre rituel sur Sharon Tate enceinte de 8 mois (compagne de Roman Polanski) et ses hôtes. Si le récit comporte de nombreuses allusions sexuelles, il ne décrit en détail aucune scène à l'exception de celle des pages 32 à 34 où l'on retrouve Charlie (Manson) en compagnie d'une certaine Stephanie.

page 32 : " Le lit grinçait. la petite levait la croupe en criant.

- Wahou hou...

Une voix d'homme, nasale, se promena dans la pièce en désordre, on aurait dit qu'elle sortait des murs et rampait le long des parois :

- Imagine que je suis ton père... tu as envie de baiser avec ton père ?

La petite arrêta de gémir et leva l'oreille comme un chiot. Derière, le type faisait des bruits de succion, il lui bouffait le cul.

- Dis-le, allez...

- Papa ?

- Plus fort...

- Papa !!

- Dis son nom... Comment il s'appelle, ton père ?

liberati2

La petite essaya de se retourner mais un bras tatoué d'une figure de femme la repoussa. Une claque sur les fesses et le corps à corps recommença. Les fesses de la jeune fille faisaient des vagues blanches lorsque les cuisses sèches de l'homme la heurtaient.

- Dis son nom... Comment il s'appelle...

- Euh, Schram, comme moi...

- Schram comment ?

- Ben... Schram tout court...

- Ferme les yeux ! C'est Schram qui te baise là. Comment tu l'appelais quand t'étais gosse ? T'avais bien un petit nom pour lui.

- Popy

- Vas-y, dis-le.

- Popy...

- Plus fort.

- Popy, oh Popy...

La petite leva la tête parce qu'il lui tirait les cheveux. Elle ouvrit les yeux. Sur le mur en tête de lit un artiste amateur avait dessiné un type en train de baiser une fille en levrette. La fille avait des couettes et se retournait vers le type qui ouvrait la bouche l'air super excité et naïf en même temps. Stephanie fit pareil que la fille du dessin, mais elle reçut une claque.

- Ferme les yeux.

- Ok, Charlie.

Stephanie ferma les yeux. Et soudain elle se sentit glisser comme sur une piste de ski.

Ils étaient arrivés au ranch en fin de matinée et voilà déjà trois fois que Charlie tirait sa crampe. En tout, ils avaient fait l'amour dix ou douze fois en vingt-quatre heures depuis qu'elle s'était fait ramasser en stop à Big Sur dans un vieux camion de glacier. Quand il ne baisait pas, Charlie parlait ou chantait. Il chantait bien et sa musique ne ressemblait à rien de ce qu'elle avait entendu jusque-là. Charlie était un génie. Petit, chétif, mais incroyablement vivant. C'était l'homme le plus vivant qu'elle avait jamais rencontré, un dur, il avait fait de la prison, mais aussi un artiste. Il s'exprimait merveilleusement. Il lui avait parlé d'elle, il lui avait dit qu'elle était l'idéal de la race aryenne, visiblement il aimait bien les Allemandes. Avec son cul germanique elle allait l'aider à reproduire une race de surhommes. Il voulait plein d'enfants, des centaines d'enfants pour les emmener dans un royaume souterrain dont il connaissait l'entrée, un royaume dont elle serait la reine, la mère nourricière, un peu comme les fourmis. Il aimait les animaux, il lui avait aussi parlé des serpents et surtout des coyotes qu'il estimait plus que tous les hommes passés, présents et à venir. En une heure, Stephanie avait trouvé un sens à sa vie. Ce type était comme le dieu des légendes anciennes ou bien le capitaine de l'arche de Noé, il lui avait insufflé l'énergie qu'elle attendait depuis toujours. Ce qu'elle charchait en faisant du stop et en faisant l'amour, elle l'avait trouvé."

Par michel koppera - Publié dans : lectures x - Communauté : Fantasmes et écriture
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Mardi 29 décembre 2020 2 29 /12 /Déc /2020 08:00

"Les démons", roman de Simon Liberati paru en 2020 aux éditions Stock (333 pages)

C'est suite à l'écoute de l'émission "Le Masque et la Plume" sur France Inter que je me suis décidé à acheter et lire ce roman. La critique en était bonne. Il ne m'a pas été facile de pénétrer dans l'univers du roman mais, une fois dedans, impossible d'en sortir indemne...

Extrait page 21 à 24 : Années 60, région parisienne. Taïné et Serge, sœur et frère, sont seuls dans l'orangerie de la vaste demeure familiale, au bord de la Seine. À la chaleur du poêle à bois, ils sont blottis l'un contre l'autre sur le divan.

liberati-demons" Il mit la main sur ses cheveux, elle la prit dans les siennes, tira l'index, en suça le bout qui était salé et qui sentait le feu de bois, elle caressa la pulpe, les yeux fermés comme si elle le branlait ou se branlait elle-même dans l'obscurité. Près de sa joue le velours bougea, aucune femme, même la plus naïve des petites filles qu'il avait connues dans le parc, n'ignorerait le sens qu'il donnait au déhanchement presque imperceptible qu'elle sentit sous sa nuque et qui la fit basculer un peu plus dans le velours chaud et rugueux. Une odeur plus puissante que tout à l'heure remonta d'entre les plis froncés où chaque boutonnière recélait en son creux un orifice de chaleur, un rideau de bordel qui séparait l'espace de la vie normale de l'alcôve où se cachait la verge. Il ne parlait plus, au moins il ne faisait plus semblant, elle avait gagné sur ce point quelques centimètres sur la puissance du mensonge. Une fois sortie du pantalon, la verge devenait anonyme, elle oscilla dans l'air autrefois pur de l'orangerie comme celle de n'importe quel homme du monde, et il allait bien falloir que Taïné fasse les gestes ordinaires que chacun connaît pour le branler et le faire jouir.

Collées aux carreaux, d'innombrables présences invisibles les observaient. Les pans défaits de la chemise qu'elle avait écartée d'un geste brusque lui permirent de se cacher le visage. Elle releva les hanches pour retirer son pantalon de marin, qu'elle fit glisser sur ses jambes sans l'aide de son frère. Elle ne manquait pas de pudeur, au contraire, mais quelque chose d'impérieux l'obligeait à la braver aussi brutalement que possible. Remuant les pieds, elle jeta le lourd pantalon de laine au sol. Elle put enfin ouvrir les cuisses et sentir l'air froid venu de l'extérieur qui mieux qu'une lampe montrait aux présences agglutinées qu'elle était nue et qu'elle se branlait. Lui n'avait toujours pas bougé, sans doute la regardait-il mais elle n'en était pas certaine. Il demeura figé et seule la dureté de sa verge nue montrait qu'elle était pour quelque chose dans tout cela.

Entre eux la relation sexuelle était devenue obligatoire. (...) Un jour prochain ils allaient s'accoupler, elle mouilla tellement à cette idée qu'elle jouit, agitant son bassin alors qu'il venait de se décider à poser enfin la main sur elle avec force. Les présences invisibles purent se repaître de son cul. Elle s'ouvrit à elles avec son aide à lui. (...) Un mouvement de hanches lui rappela qu'il n'avait pas joui. Il se redressa, la faisant basculer dans les coussins du divan, et il s'agenouilla sur elle. C'était la première fois qu'il procédait ainsi avec elle. À cheval sur son ventre, dans une posture qu'ils adoptaient quand ils se battaient enfants. Elle releva son pull-over et sa chemise, elle était nue jusqu'au cou, il l'aida à passer la tête dans le trou, la dépouillant jusqu'à ce qu'elle soit complètement nue. Il jouit fortement, une giclée par derrière son cou dans ses cheveux les autres sur le ventre et les seins. L'odeur du foutre de jeune homme, une amande fraîche qu'on a écrasée près d'elle. Elle le tira par les oreilles, le força à la regarder. Pour une fois, il avait l'expression du cœur, pas une autre qu'il avait décidé d'afficher mais le visage de celui qui vient de jouir sur sa sœur, les yeux plus bridés, les dents plus pointues."

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Par michel koppera - Publié dans : lectures x - Communauté : Fantasmes et écriture
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