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Vendredi 14 octobre 2022 5 14 /10 /Oct /2022 08:00

"Le Tailleur de pierre", roman policier de Camilla Läckberg paru en 2005, édité en France aux Editions Acte Sud en 2009 (traduction du suédois par Lena Grumbach et Catherine Marcus). Disponible dans la collection poche Babel Noir  n° 92 (593 pages)

 extrait 1. pages 327-328 : Tombée dans la misère et pour subvenir aux besoins de ses enfants, Agnès n'hésîte pas à se prostituer. Le chapitre se passe en 1928

"Agnès se pencha en arrière face au soleil. Il ne fallait pas qu'elle reste trop longtemps à profiter des rayons su soleil qui chauffait son visage, si elle voulait conserver la peau blanche d'une femme de classe supérieure. C'était la seule chose qui lui restait de sa vie antérieure, son physique, et elle ne se privait pas d'en tirer profit pour redorer son existence autrement si morne. C'était surprenant combien de marchandises on pouvait obtenir chez l'épicier en se prêtant à une étreinte, voire plus à condition que le gain soit en rapport. De cette manière elle avait pu se procurer des friandises et de la nourriture qu'elle ne partageait pas avec sa famille. Elle avait même obtenu un bout de tissu qu'elle avait soigneusement dissimulé à Anders (son mari qu'elle n'aime pas). Pour l'instant elle se contentait d'aller le tâter de temps en temps, et de le passer sur sa joue pour sentir la douceur de la soie. Le boucher aussi avait glissé quelques insinuations, mais il y avait des limites à ce qu'elle était prête à payer pour quelques morceaux de viande supplémentaires. L'épicier était un homme relativement jeune et bien de sa personne, avec qui ce n'était pas du tout désagréable d'échanger des baisers dans l'arrière-boutique, tandis que le boucher était un homme gros et gras dans la soixantaine et il faudrait bien plus à Agnès qu'un rôti de bœuf  pour permettre à ses doigts boudinés aux ongles inscrustés de sang séché de se faufiler sous ses jupes."

extrait 2. page 465. La scène se déroule en 1954

Agnès était en train de se préparer devant sa coiffeuse. À l'insu d'Äke (son second époux) elle avait depuis six mois une aventure passionnée avec l'un de ses plus proches amis,. Elle arrangea ses cheveux noirs en un chignon et tamponna un peu de parfum derrière les oreilles, aux poignets et dans le sillon entre ses seins. Elle portait la lingerie en soie noire avec des dentelles qui révélait qu'elle avait encore une silhouette qui ferait pâlir de jalousie plus d'une jeune fille.

lackberg

Elle se réjouissait du rendez-vous, comme les autres fois à l'hôtel Eggers. Per-Erik était un vrai homme, contrairement à Äke. À la grande satisfaction d'Agnès, il parlait de plus en plus de se séparer de sa femme. Elle n'était pas naïve  au point de croire inconditionnellement à ce genre d'affirmations vernant d'hommes mariés, mais elle savait qu'il appréciait énormément ce qu'elle lui offrait au lit, et sa petite femme boulotte ne valait pas grand-chose à côté d'elle."

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Mardi 20 septembre 2022 2 20 /09 /Sep /2022 08:00

"Désert" est paru en 1980 aux Éditions Gallimard. On le trouve en collection Folio1670 (439 pages).

Le Clézio retrace l'enfance, l'adolescence et l'entrée dans la vie d'adulte de Lalla, orpheline du grand désert du Sahara. À l'adolescence, élévée par sa tante, elle s'enfuit pour échapper à un mariage forcé, traverse la Méditerranée et échoue à Marseille.

Extrait page 313 et suivantes. Lalla, employée comme "femme de ménage" dans un hôtel borgne, observe la rue et ses passants. Le Clézio nous livre ici une description sans complaisance de la prostitution "bon marché " et de la misère sexuelle qui la génère.

"...Sur le trottoir, en face de Lalla, une femme est immobile. C'est elle que les hommes regardent sans bouger, en fumant des cigarettes. C'est une femme très petite, presque une naine, au corps large, à la tête enflée posée sur ses épaules, sans cou. Mais son visage est enfantin, avec une toute petite bouche couleur cerise, et des yeux très noirs entourés d'un cerne vert. Ce qui étonne le plus en elle, après sa petite taille, ce sont ses cheveux courts, bouclés, ils sont d'un rouge de cuivre qui étincelle bizarrement à la lumière du couloir derrière elle, et font comme une auréole de flamme sur sa tête de poupée grasse, comme une apparition surnaturelle.

Lalla regarde les cheveux de la petite femme, fascinée, sans bouger, presque sans respirer. Le vent froid souffle avec violence autour d'elle, mais la petite femme reste debout devant l'entrée de l'immeuble, avec ses cheveux qui flamboient sur sa tête. Elle est habillée d'une jupe noire très courte qui montre ses cuisses grasses et blanches, et d'une sorte de pull-over violet décolleté. Elle est chaussée d'escarpins vernis à talons aiguilles très hauts. À cause du froid, elle fait quelques pas sur la place, et le bruit de ses talons résonne dans le vide de la ruelle.

Des hommes s'approchent d'elle, maintenant, en fumant leurs cigarettes. Ce sont des Arabes pour la plupart, aux cheveux très noirs, avec un teint gris que Lalla ne connaît pas, comme s'ils vivaient sous la terre et ne sortaient que la nuit. Ils ne parlent pas. Ils ont l'air brutal, buté, lèvres serrées, regard dur. La petite femme aux cheveux de feu ne les regarde même pas. Elle allume une cigarette à son tour, et elle fume vite, en pivotant sur place. Quand elle tourne le dos, elle semble bossue.

desert leclezio

Plus en haut de la ruelle marche une autre femme. Celle-ci est très grande, au contraire, et très forte, dejà vieillie, flétrie par la fatigue et le manque de sommeil. Elle est vêtue d'un grand imperméable en toile cirée bleue, et ses cheveux noirs sont décoiffés par le vent.

Elle descend lentement la rue, en faisant claquer ses chaussures à hauts talons, elle arrive à côté de la naine, et elle s'arrête, elle aussi devant la porte. Les Arabes s'approchent d'elle, lui parlent. Mais Lalla n'entend pas ce qu'ils disent. L'un après l'autre, il s'éloignent, et s'arrêtent à distance, les yeux fixés sur les deux femmes immobiles qui fument. Le vent passe par rafales le long de la ruelle, plaque les vêtements sur le corps des femmes, agite leurs cheveux. Il y a tant de haine et de désespoir dans cette ruelle, comme si elle descendait sans fin à travers tous les degrés de l'enfer, sans jamais rencontrer de fond, sans jamais s'arrêter. Il y a tant de faim, de désir inassouvi, de violence. Les hommes silencieux regardent, immobiles au bord du trottoir comme des soldats de plomb, leurs yeux fixés sur le ventre des femmes, sur leurs seins, sur la courbe de leurs hanches, sur la chair pâle de leur gorge, sur leurs jambes nues. Peut-être qu'il n'y a pas d'amour, nulle part, pas de pitié, pas de douceur. Peut-être que la taie blanche qui sépare la terre du ciel a étouffé les hommes, a arrêté les palpitations de leur cœur, a fait mourir tous leurs souvenirs, tous leurs désirs anciens, toute la beauté ?

Lalla sent le vertige continu du vide qui entre en elle, comme si le vent qui passait dans la ruelle était celui d'un long mouvement giratoire. Le vent va peut-être arracher le toit de maisons sordides, défoncer portes et fenêtres, abattre les murs pourris, renverser en tas de ferraille toutes les voitures ? Cela doit arriver, car il y a trop de haine, trop de souffrance... Mais le grand immeuble sale reste debout, écrasant les hommes de toute sa hauteur. Ce sont les géants immobiles, aux yeux sanglants, aux yeux cruels, les géants dévoreurs d'hommes et de femmes. Dans leurs entrailles, les jeunes femmes sont renversées sur les vieux matelas tachés, et possédées en quelques secondes par les hommes silencieux dont le sexe brûle comme un tison. Puis ils se rhabillent et s'en vont, et leur cigarette posée sur le bord de la table n'a pas eu le temps de s'éteindre. Dans l'intérieur des géants dévoreurs, les vieilles femmes sont couchées sous le poids des hommes qui les écrasent, qui salissent leurs chairs jaunes. Alors, dans tous ces ventres de femmes naît le vide, le vide intense et glacé qui s'échappe d'elles et qui souffle comme un vent le long des rues et des ruelles, en lançant ses tourbillons sans fin."

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Vendredi 9 septembre 2022 5 09 /09 /Sep /2022 08:00

C'est dans la bibliothèque familiale, que j'ai découvert "Rebecca", roman de Daphné du Maurier paru au Royaume-Uni en 1938. En France, c'est chez Albin Michel qu'il fut édité dans une traduction de l'anglais réalisée par Denise Van Moppes (379 pages).  Le tirage que j'ai lu date de 1960.

Extrait chapitre VII, page 92 : Le roman est très pudique, même lorsqu'il évoque la vie sexuelle dissolue de Rebecca. Cependant, voici ce qu'écrit la narratrice, récemment arrivée à Manderley quand elle se trouve en présence de Madame Danvers, la gouvernante du manoir qui se propose de lui faire visiter les lieux :

" Son ton évoquait pour moi une visite chez des amis quand j'étais enfant, et où la petite fille de la maison, un peu plus âgée que moi, m'avait prise par le bras en me chuchotant à l'oreille :" Je connais un livre enfermé dans le placard de ma mère. Veux-tu que nous allions le regarder ? " Je me rappelai son visage pâle et animé, ses petits yeux brillants et la façon dont elle me pinçait le bras."

Plus loin dans le roman, il sera une seconde fois fait allusion aux lectures interdites aux jeunes filles. Notez que la gamine ne propose pas de "lire" le livre mais de le "regarder", ce qui laisse entendre qu'il contient des images érotiques voire pornographiques. Ci-dessous, illustration de Gerda Wegener (1886-1940)

rebecca du maurier


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Lundi 4 juillet 2022 1 04 /07 /Juil /2022 08:00

Pola Oloixarac est une jeune écrivaine argentine. Son roman "Mona" (169 pages) est paru en 2019 aux Editions Penguin. Traduit en français par Isabelle GUGNON, il a été édité en France aux Editions du Seuil en février 2022.

Le thème : Mona, une écrivaine péruvienne installée en Californie, doit participer en Suède à un grand colloque qui réunit des auteurs mondialement connus, colloque à l'issue duquel sera décerné un prestigieux prix littéraire. Le roman de Mona fait partie des ouvrages nominés en vue de l'attribution de ce prix.  Ce colloque qui se déroule au bord d'un lac est l'occasion  de rencontres multiples.

Extrait pages 106-108 : Mona retrouve Marco Guncio un écrivain colombien plutôt séduisant. Elle se souvient d'une précédente soirée avec lui, à Carthagène, quelques années auparavant.

" (Mona) prit la fuite en taxi avec Marco dans la  nuit colombienne, ils traversèrent les rues sombres qui entourent le musée à l'air libre qu'est la vieille ville de Carthagène. Une abominable chanson de Ricardo Arjona les fit rire aux éclats. Ils s'embrassèrent furtivement et, entre deux fous rires, il lui fourra sa langue dans la bouche jusqu'à la glotte. Mona riposta en toussant, puis abandonna toute réticence et se laissa dévorer les lèvres.

Ils se rendirent à l'hôtel Santa Clara, où ils avaient chacun une chambre. En traversant le hall, elle se félicita d'avoir mis son imperméable, dont elle releva le col pour cacher son visage quand ils passèrent à côté du prix Goncourt qui sirotait un verre, le regard perdu, soûl comme une barrique. Elle l'avait embrassé la veille au soir dans la piscine. Une fois dans la chambre coloniale, Marco avala un grande lampée de whisky et s'attaqua à son sancta sanctorum, qu'il appela son "sushi", en y passant une langue baveuse comme une limace traînante, quasiment immobile, promenant ses antennes aux extrémités pourvues d'yeux sur sa labia mojora. Une limace sur une autre limace.

Sa démonstration de danse ayant laissé augurer davantage d'enthousiasme, Moma lui enfonça la tête dans ses organes internes pour le lui rappeler. Il s'écarta lentement et murmura :

Niña, tu me plais tellement que j'ai envie de garder ton odeur sur ma peau.

Au loin s'élevaient les percussions d'une autre chanson de Ricardo Arjona. Les lèvres de Marco s'ouvrirent complètement, sans doute sous l'effet de l'âpreté du whisky et le contact de la douceur du sushi, et il repartit à l'assaut pour entreprendre de l'engloutir la bouche béante, comme s'il avalait de la guimauve, ses lèvres plaquées contre elle tandis que sa langue épaisse la pénétrait. Il posa ses mains en coupe sous ses seins, des pêches aux tétons durcis qu'il lécha. Mona notait mentalement tous ces détails en excluant Marco de la scène. Sans vêtements ni accessoires, son corps jaune et pâle paraissait enfantin dans son slip Calvin Klein, mais quelque chose l'attirait dans la répulsion qu'il lui inspirait. Elle s'imaginait détachée de son corps, semblable à une fleur écrasée par une brute qui en faisait ressortir l'éclat. Elle s'aperçut alors que Marco susurrait, parlait seul ou s'adressait à sa chatte. Elle n'entendait pas ce qu'il disait, contrairement à sa chatte, merveilleusement sensible à ses murmures. Elle eut bientôt un orgasme presque malgré elle, poussa un long soupir et observa Marco, qui s'adressait toujours à sa vulve. Elle en profita pour feindre l'endormissement ou l'évanouissement, un adorable subterfuge, utilisé disait-on par Isabel Preysler ¹, qui affriolait ainsi les hommes qu'elle désirait capturer. La première fois qu'elle couchait avec eux, Isabel tombait en pâmoison au beau milieu de l'acte, frappée d'une petite mort. Ils devenaient fous et ce truc de boudoir lui avait assuré la conquête absolue de Mario Vargas Llosa, l'auteur de L'Orgie perpétuelle."

¹ Isabel Preysler est née aux Philippines en 1951. À l'âge de 16 ans, elle s'installe en Espagne où elle a mené une carrière de mannequin. Elle fut entre autres l'épouse de Julio Iglesias 

oloixarac mona

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Vendredi 24 juin 2022 5 24 /06 /Juin /2022 08:00

"Regardez-nous danser" est le deuxième volet de la saga de Leila Slimani  "Le pays des autres".  Il couvre la période 1968-1974 au Maroc, période d'essor économique, d'ouverture au monde occidental mais aussi de répression féroce du régime d'Hassan II. Le roman de 365 pages est paru chez Gallimard (nrf) en 2022

Extrait pages 101-104 : À Fez, Selim qui a 18 ans rend visite à sa tante Selma, de six ans son aînée, malheureuse en ménage. 

" Selim sonna à la porte de l'appartement en début d'après-midi. Selma lui ouvrit. Elle portait un kimono de soie turquoise dont elle n'arrêtait pas de resserrer la ceinture comme si elle craignait que le vêtement ne glisse de ses épaules et qu'elle se retrouve nue. (Dans la cuisine, sa tante lui offre un café ) Selim, pour la première fois de sa vie, fit preuve d'impulsivité. Il saisit la main de sa tante et la garda dans la sienne. Il pouvait sentir sur sa peau le picotement des miettes. Il aurait voulu, peut-être, que ce geste soit seulement un signe de tendresse, de compassion, une preuve de la complicité qui les liait depuis des années. Mais il sut, dès qu'elle leva les yeux vers lui, qu'il ne s'agissait pas de cela. Il ressentait, en serrant sa main dans la sienne, en la regardant, la même excitation que quand il tenait le revolver contre lui, seul dans sa chambre. Son sexe durcit et il eut honte pour lui-même et pour tous les hommes. Les femmes avaient-elles de la chance ou bien étaient-elles maudites de pouvoir garder leurs désirs invisibles ?

Plus tard, il devrait revisiter, jusqu'à les user, jusqu'à les faire disparaître, jusqu'à ne plus savoir, les souvenirs de cet après-midi-là. Il l'attira vers lui ou c'est elle, peut-être, qui se leva et posa la joue contre la sienne. Elle approcha ses lèvres et lorsqu'il sentit dans sa bouche sa langue, fraîche et humide, il crut qu'il pourrait défaillir et la dévorer tout entière. Il n'eut pas peur. Il s'abandonna à elle comme il s'abandonnait à l'eau et éprouva un sentiment d'évidence et de légéreté. Il glissa sa main sous le kimono vert et, dans sa paume, enserra les petits seins aux tétons durcis, caressa la peau, tiède et douce, du ventre de Selma. Il fixa ses yeux fiévreux, embués, ses yeux qui disaient son désir d'êre transpercée et il se dit qu'elle n'avait jamais été aussi belle qu'à cet instant. Elle n'avait pas lâché sa main et l'attira dans le couloir puis dans la chambre dont elle ferma la porte. Pensa-t-elle à la possibilité que Mourad (son mari) revienne ou à l'heure de la sortie de l'école et au retour de Sabah (sa fille) ? Elle ne sembla pas s'en inquiéter. Elle s'allongea et fit glisser la ceinture de son kimono. Sa peau avait la couleur de la pâte de cannabis que les ouvriers effritaient entre leurs doigts. Sans rien dire, elle regarda Selim se déshabiller. Ses gestes étaient calmes, presque enfantins, comme si cétait la première fois qu'il retirait tout seul ses vêtements. Elle pouvait voir, sous le caleçon du jeune homme, la forme de son sexe en érection. Dehors, l'appel à la prière retentit.

Ce jour-là, il sembla à Selim que c'était elle qui le pénétrait. Elle entra en lui. Elle le déplia comme se déplient les doigts d'une main. Le corps de Selma était frêle, onctueux comme un nuage, et elle l'enveloppait d'une douceur qui le combla. Cette femme lui était destinée. Son corps avait été taillé pour se fondre dans le sien et il aurait voulu disparaître dans ses creux et s'y cacher de tous les malheurs du monde. Il n'avait pas de mots pour ça, pas d'explications pour le bonheur intense qui l'envahissait, pour cette rage heureuse qui lui faisait pousser de petits gémissements. Elle l'apprivoisait et il se voulait docile. Aucune parole ne fut prononcée et ils s'aimèrent, bercés par un silence grave et tranquille."

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Mardi 24 mai 2022 2 24 /05 /Mai /2022 08:00

"Le goût des garçons" est un court roman (172 pages) paru en 2022 aux Éditions Grasset dans la collection "Le courage". Joy Majdalani est une auteure née en 1992 à Beyrouth et qui vit depuis 2010 en France.

Au Liban, la narratrice a tout juste 13 ans. Elle est scolarisée en 4ème au Collège  Notre-Dame de l'Annonciation. Malgré (ou à cause de) une éducation très puritaine et répressive, elle ne pense qu'à une chose : les garçons !

Page 95-96 : la narratrice, le soir, seule dans son lit, explore son corps nu

"J'étais tourmentée dans ma couche par mon imagination. Pour chasser l'excitation, je tâtais sans conviction la surface de mon pubis. J'avais entendu à la télévision, lu dans les magazines du salon de coiffure, que les femmes mûres s'adonnaient volontiers à cet exercice. Je descendais vers des régions que je connaissais peu. Si j'y avais aventuré un doigt ou deux, j'avais vite été rebutée par les broussailles. La tristesse me coupait l'appétit : je ne viendrais jamais à bout d'une pilosité aussi dense. Je pouvais dompter les poils qui poussaient sur les surfaces lisses et exposées de mon corps, mais cette touffe-là, je ne saurais jamais par quel bout la prendre, ni jusqu'où s'enfonçaient ses racines. Je me disais alors que ma vulve était laide. Ce foisonnement préfigurait la monstruosité qui grouillait entre mes jambes, signalai une anomalie qui serait bientôt découverte. Je n'avais pas le cœur de mener cette expédition vouée à l'échec. Je pensais parfois être privée de trou : mon pubis avait cicatrisé, la peau ne comportait aucune entaille, aucune crevasse pour les garçons. D'autres fois, j'étais persuadée que mon vagin était si large, béant, ouvert, qu'à peine effleuré il perdrait son hymen et vomirait le sang et le pus qui y macéraient. Il valait mieux ne pas le titiller. Même lorsque les soupirs précipités d'Alex (son petit ami du moment) m'enflammaient le sexe et les tétons, je laissais l'excitation couler, déployais de grands efforts de concentration pour la maintenir dans mon corps le plus longtemps possible avant qu'elle ne s'évapore." 

majdalani

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Vendredi 13 mai 2022 5 13 /05 /Mai /2022 08:00

"Le Conformiste" est un roman paru en Italie en 1951. Il n'est édité en version française qu'en 1985 chez Flammarion. Aujourd'hui, on trouve ce roman de 340 pages dans la collection de poche GF (Garnier-Flammarion) n° 415, dans une traduction de Claude PONCET et une préface de Gilles de VAN

Rome au milieu des années 30. Marcello est un jeune fonctionnaire affecté dans un ministère chargé de surveiller et neutraliser les opposants au régime fasciste de Mussolini. 

Extrait pages 131-132. Marcello rend visite à Julia, sa fiancée. Les voici, seuls en tête-à-tête, chez la mère de Julia

" Julia était, à vingt ans, plantureuse comme une femme de trente ; ses formes trop abondantes manquaient de finesse et de distinction, mais sa fraîcheur et sa santé révélaient à la fois sa jeunesse et on ne savait quelle exubérance charnelle. Elle avait le teint très clair, de grands yeux lumineux, sombres et languissants, d'épais cheveux châtains tout ondulés, une bouche en fleur, très rouge. En la voyant venir à lui, vêtue d'un tailleur de coupe masculine, dans lequel ses formes épanouies paraissaient comprimées, Marcello pensa avec satisfaction qu'il épousait une fille vraiment normale, tout à fait dans la moyenne, assortie au style même de ce salon qui lui donnait, un instant auparavant, une impression de sécurité. (...) Marcello la regarda et remarqua qu'à l'impétueuse désinvolture de son entrée, avait succédé une contrainte subite, signe indubitable d'un trouble envahissant. Puis, tout à coup, elle se tourna vers lui et lui jetant les bras autour du cou, elle murmura : – Embrasse-moi !

Marcello la prit par la taille et la baisa sur la bouche. Julia était sensuelle et dans ces baisers qu'elle était toujours la première à réclamer de Marcello, plus réservé, il y avait toujours un moment où la sensualité s'éveillait, se manifestait, modifiant le caractère chaste, concerté, de leurs rapports de fiancés. Cette fois encore, leurs lèvres allaient se disjoindre, quand elle eut comme un sursaut de désir lascif et passant brusquement ses bras autour du cou de Marcello elle colla fortement sa bouche contre la sienne. Il sentit la langue de Julia s'insinuer entre ses lèvres, frémir sur sa langue, en caresses rapides et savantes. En même temps, Julia lui avait saisi la main, la guidait vers sa poitrine et la posait sur son sein gauche. Son souffle était ardent et le bruit de sa respiration avait quelque chose d'animal, de primitiif, d'insatiable."

moravia conformiste

Illustration de Ludwig Bock (1886-1976)

erratum : Un lecteur m'a informé qu'il possédait une édition de poche du Conformiste dans la collection J'ai lu datant de 1971 avec un copyright détenu par Flammarion depuis 1952. Cette édition en français faisait suite à la sortie en 1970 du film adapté du roman par Bernardo Bertolucci (avec Jean-Louis Trintignant dans la rôle titre et Stefania Sandrelli dans celui de Julia)

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Mardi 3 mai 2022 2 03 /05 /Mai /2022 08:00

"La plus secrète mémoire des hommes" est un somptueux roman de 457 pages paru en 2021 aux Editions Philippe Rey/ Jimsaan et couronné par le prix Goncourt.

Extrait pages 380-381 : Diegane, le narrateur, se souvient de sa nuit précédente aux côtés de son amie Aïda

" Il n'y a pas de calme avant la tempête.

Hier soir, pendant que nous faisions l'amour, j'ai regardé à l'intérieur d'une gouttelette qui coulait le long du corps d'Aïda. J'étais en-dessous d'elle. Je cherchais son visage, mais sa position le dérobait à mes yeux. La vigueur de la cavalcade tendait avec brutalité son buste, et je voyais nettement l'arc sensuel de son dos. Ses longs cheveux me flattaient les cuisses et lui caressaient la naissance des fesses, le bas du dos. Dans cette tension, je distinguai ses côtes, les plissures de son abdomen, le dessin de sa cage thoracique, les deux coupoles de ses seins. Entre des deux dunes de chair, son menton s'avançait comme une petite pyramide. C'est là, à la pointe du menton, qu'apparut la goutte.

Elle glissa lentement et ressembla bientôt à une petite stalactite accrochée à la paroi du menton. J'attendis avec anxiété qu'elle en tombât. Un mouvement des reins plus intense d'Aïda la précipita sur sa gorge, et son odyssée sur ce corps commença. Quand elle s'engagea entre les deux seins, je commençai à discerner à l'intérieur d'elle, comme dans l'orbe d'une voyante, de confuses visions. Un homme suivait une femme dans la rue où ils étaient seuls ; et l'homme l'appelait, mais la femme ne se retournait pas, sans que je sache si elle l'ignorait ou ne l'entendait pas.

La goutte passa le plexus. Je vis l'homme courir, lentement d'abord, de plus en  plus vite ensuite, vers la femme. L'homme, en courant, en continuant à crier, dans le silence de la rue, le nom de la silhouette qui ne semblait toujours pas l'entendre ou se décider à lui répondre, se mit à pleurer, et cette scène était si désespérée, elle me rendait si triste, que je crus un instant que j'allais pleurer aussi, et l'aurais fait si je ne m'étais pas secoué et retenu.

Le nombril approchait maintenant après que la goutte venait de traverser une forêt de grains de beauté sur l'abdomen d'Aïda, dont les mouvements devinrent plus patients, longs, précis, vitaux, ce qui, je le savais, annonçait toujours chez elle la jouissance. Je sentais les lents spasmes de son sexe autour de ma verge, et la crue grossissant en elle, et l'étoile blanche en elle qui allait bientôt exploser et éclabousser l'univers jusqu'en ses confins inconnus. Dans la goutte, dans la rue, la femme se retourna enfin, et son visage était beau, bien qu'elle parût surprise de voir cet homme qui courait derrière elle en criant son nom. L'homme arrivait presque à hauteur de la femme. Mais au lieu de ralentir pour s'arrêter, il continua à courir et à crier le nom d'une femme.

La goutte passa de très près au bord du gouffre du nombril mais n'y tomba pas. Elle glissait désormais vers le pubis. Aïda se pencha vers l'avant et ramena la tête près de mon visage, que recouvrit la masse brune de ses cheveux. Son corps se crispa dans une brutale contraction, elle colla son front au mien, ses mains se joignirent sous ma nuque, la serrèrent, et le cri qui jaillit non de sa gorge, non de sa bouche, non de sa poitrine ou de son ventre, mais d'elle tout entière, s'accompagna d'un souffle qui me rappelait que j'étais et serais à jamais exclu de le comprendre, mais seulement admis à former son cortège ou son ombre."

mm sarr memoire des hommes

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Vendredi 8 avril 2022 5 08 /04 /Avr /2022 08:00

Claire CASTILLON : "Les cris" roman paru en 2010 aux Editions FAYARD ( 190 pages).

Récit de la difficile séparation entre la narratrice et Adam. Le travail d'écriture de cette rupture est incarné ici par le "monstre textuel"

Extrait pages 105-106. 

" Adam m'a donc téléphoné pendant que le chien luttait pour ne pas sortir. Il voulait rester avec sa maîtresse. Le téléphone a sonné longtemps. J'ai même fini par me boucher les oreilles, je ne pouvais pas interrompre mon programme. Voilà Adam, me suis-je dit, il revient, la queue basse, combien de temps déjà ?

Je répondrai au prochain appel. Il est important d'amener Adam à penser que je ne suis pas barricadée chez moi à l'attendre. Es-tu fière de tes bas réflexes ? enrage le monstre textuel.

Détourner son attention. Lui faire part d'informations récemment acquises. Le remplir pour qu'il me vide. J'ai lu que l'orgasme vaginal était si fort qu'il fallait le garder secret afin de ne pas culpabiliser les femmes clitoridiennes en le leur disant. J'ai aussi entendu que le foie gras était un aliment diététique, contrairement aux idées reçues. 

Le montre textuel me demande si c'est là tout ce que j'ai dans le crâne. Il ajoute : Naughty girl, au lieu de raconter des bêtises, sentez-vous ces odeurs de nous, mêlées entre vos cuisses ?

Je sursaute. Vouvoiement ?

À la télévision, la femme dit : J'aime vivre avec mon molosse. J'aime qu'il m'attende quand je rentre. J'aime son odeur, j'aime son poil, son haleine. j'aime son dynamisme, sa vigueur, sa compagnie, sa fidélité. Mais parfois c'est du travail, je me demande si je l'aime. Ou si j'aime la mousse autour de lui.

Je suis certaine que la femme dit cela.

Après, je me concentre pour ne pas quitter la femme. Comme si j'écoutais une chanson dont on arrêtait soudain la musique, mais dont je devrais continuer à chanter le paroles. Si je perds la femme sous prétexte qu'elle quitte l'écran, je perds mon temps. Et si je perds le fil de sa journée, le monstre textuel va sonner le cloches.

Cela fait un moment que je caresse mon bras pour apaiser le monstre et tenter de l'endormir, mais une forte décharge ouvre mon entre cuisses.

Touchez-vous, dit le monstre textuel, tout chez vous m'excite ! Je vous veux, langue pendante, affûtée, aux abois, ne vous calmez pas. Laissez venir."

castillon-cris


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Mardi 22 mars 2022 2 22 /03 /Mars /2022 08:00

En 2012, j'avais déjà consacré un article à ce roman paru en 1984 aux "Editions de Minuit".  Marguerite DURAS , L'Amant. Ce second article est consacré au récit du premier rapport amoureux de la jeune narratrice avec son riche "amant" chinois.

Extrait n° 1 : pages 49-50. La narratrice a suivi son amant jusque dans sa garçonnière dans le quartier de Cholen, à Saïgon.

" Il dit : vous m'avez suivi jusqu'ici comme vous auriez suivi n'importe qui. Elle répond qu'elle ne peut pas savoir, qu'elle n'a encore jamais suivi personne dans une chambre. Elle lui dit qu'elle ne veut pas qu'il lui parle, que ce qu'elle veut c'est qu'il fasse comme d'habitude il fait avec les femmes qu'il emmène dans sa garçonnière. Elle le supplie de faire de cette façon-là.

Il a arraché la robe, il la jette, il a arraché le petit slip de coton blanc et il la porte ainsi nue jusqu'au lit. Et alors il se tourne de l'autre côté du lit et il pleure. Et elle, lente, patiente, elle le ramène vers elle et elle commence à le déshabiller. Les yeux fermés, elle le fait. Lentement. Il veut faire des gestes pour l'aider. Elle lui demande de ne pas bouger. Laisse-moi. Elle dit qu'elle veut le faire elle. Elle le fait. Elle le déshabille. Quand elle le lui demande il déplace son corps dans le lit, mais à peine, avec légèreté, comme pour ne pas la réveiller.

La peau est d'une somptueuse douceur. Le corps. Le corps est maigre, sans force, sans muscles, il pourrait avoir été malade, être en convalescence, il est imberbe, sans virilité autre que celle de son sexe, il est très faible, il paraît être à la merci d'une insulte, souffrant. Elle ne le regarde pas au visage. Elle ne le regarde pas. Elle le touche. Elle touche la douceur du sexe, de la peau, elle caresse la couleur dorée, l'inconnue nouveauté. Il gémit, il pleure. Il est dans un amour abominable.

Et pleurant il le fait. D'abord il y a la douleur. Et puis, après cette douleur est prise à son tour, elle est changée, lentement arrachée, emportée vers la jouissance, embrassée à elle.

La mer, sans forme, simplement incomparable. " 

duras-amant

Extrait n° 2  : pages 54-55 . Le même jour

" Je lui dis de venir, qu'il doit recommencer à me prendre. Il vient. Il sent bon la cigarette anglaise, le parfum cher, il sent le miel, à force sa peau a pris l'odeur de la soie, celle fruitée du tussor de soie, celle de l'or, il est désirable. Je lui dis ce désir de lui. Il me dit d'attendre encore. Il me parle. Il me dit qu'il a su tout de suite, dès la traversée du fleuve, que je serais ainsi après mon premier amant, que j'aimerais l'amour, il dit qu'il sait déjà que lui je le tromperai et aussi que je tromperai tous les hommes avec qui je serai. Il dit que quant à lui il a été l'instrument de son propre malheur. Je suis heureuse  de tout ce qu'il m'annonce et je le lui dis. Il devient brutal, son sentiment est désespéré, il se jette sur moi, il mange les seins d'enfant, il crie, il insulte. Je ferme les yeux sur le plaisir très fort. Je pense : il a l'habitude, c'est ça qu'il fait dans la vie, l'amour, seulement ça. Les mains sont expertes, merveilleuses, parfaites. j'ai beaucoup de chance, c'est clair, c'est comme un métier qu'il aurait, sans le savoir il aurait le savoir exact de ce qu'il faut faire, de ce qu'il faut dire. Il me traite de putain, de dégueulasse, il me dit que je suis son seul amour, et c'est ce qu'il doit dire et c'est ce qu'on dit quand on laisse le dire se faire, quand on laisse le corps faire et chercher et trouver et prendre ce qu'il veut, et là tout est bon, il n'y a pas de déchet, les déchets sont recouverts, tout va dans le torrent, dans la force du désir."

Note : difficile de trouver une illustration qui convienne pour ce genre de texte. Alors, à défaut, je vous propose cette "nipponnerie moralement correcte"


Par michel koppera - Publié dans : lectures x - Communauté : Fantasmes et écriture
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