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Vendredi 11 mars 2022 5 11 /03 /Mars /2022 08:00

"Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier" est un roman de Patrick Modiano paru en 2014 dans la collection NRF de Gallimard (146 pages)

Jean Daragane se trouve malgré lui entraîné dans un étrange voyage dans le passé. Comme à son habitude, Modiano peint à petites touches et phrases lourdes de sous-entendus le portrait de personnages aux contours indécis. Comme celui de Chantal Grippay, une jeune femme qu'il avait rencontrée une première fois en compagnie d'un certain Gilles. 

Extrait n° 1 : page 55. Un soir, Jean la reçoit dans son petit appartement parisien 

" C'était l'heure de la nuit où les maquillages se craquellent et où on se laisse aller au bord des confidences.

— Vous boirez bien quelque chose ?

— Oh oui... quelque chose de fort... J'ai besoin d'un coup de fouet...

Daragane fut étonné qu'à son âge elle employât cette expression surannée. Il n'avait pas entendu les mots "coup de fouet" depuis longtemps. Peut-être Annie Astrand les utilisait-elle autrefois. Elle tenait ses mains serrées l'une contre l'autre, comme si elle cherchait à contenir leur tremblement. 

Il ne trouva, dans le placard de la cuisine, qu'une bouteille de vodka à moitié vide dont il se demanda qui avait bien pu la laisser là. Elle s'était installée sur le divan, les jambes allongées, le dos contre le gros coussin orange.

— Excusez-moi, mais je me sens un peu fatiguée...

Elle but une gorgée. Puis une autre.

— Ça va mieux. C'est terrible, ce genre de soirée...

Elle regardait Daragane, l'air de vouloir le prendre à témoin. Il hésita un instant avant de lui poser la question.

—  Quelles soirées ?

— Celle d'où je viens...

Puis d'une voix sèche :

— On me paie pour aller à ces "soirées"... c'est à cause de Gilles... Il a besoin d'argent...

Extrait n° 2 : page 58. La conversation revient sur ces "soirées"

" — Quand je reste seule à Paris, on me fait participer à des soirées un peu spéciales.. J'accepte à cause de Gilles... Il a toujours besoin d'argent... Et maintenant ça va être pire puisqu'il va se trouver sans travail...

Extrait n° 3 : page 61. Jean et Chantal viennent de découvrir qu'ils ont naguère habité dans le même immeuble et fréquenté les mêmes lieux de plaisir.

— J'avais un ami qui jouait aux courses, et aussi au casino de Charbonnières...

Elle semblait rassurée par ces paroles et elle lui lança un faible sourire. Elle devait penser qu'avec quelques dizaines d'années d'écart ils étaient du même monde. Mais lequel ?

— Alors, vous reveniez de l'une de ces soirées ?

Il regretta aussitôt de lui avoir posé la question. Mais apparemment elle se sentait en confiance

— Oui... C'est un couple qui organise des soirées d'un genre un peu spécial dans leur appartement... Gilles a travaillé un moment chez eux comme chauffeur... Ils me téléphonent de temps en temps pour me faire venir... C'est Gilles qui veut que j'y aille... Ils me paient... Je ne peux pas faire autrement..."

modiano-quartier

Des soirées dans ce genre-là ?


 

 


Par michel koppera - Publié dans : lectures x - Communauté : Fantasmes et écriture
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Mardi 22 février 2022 2 22 /02 /Fév /2022 08:00

Jean-Claude IZZO : "Total Khéops". Polar paru en 1995 dans la collection Série Noire (N°2370) chez Gallimard (284 pages)

Extrait pages 251-252 : Fabio Montale, le flic narrateur, se souvient d'une balade en montagne en compagnie de Leila, une beurette dont il était secrètement amoureux.

" Leila marchait devant moi. Elle portait un short en jeans effrangé et un débardeur blanc. Elle avait ramassé ses cheveux dans une casquette de toile blanche. Des perles de sueur coulaient dans son cou. Par moment, elles étincelaient comme des diamants. Mon regard avait suivi le cheminement de la sueur dans son débardeur. Le creux des reins. Jusqu'à sa taille. Jusqu'au balancement de ses fesses.

Elle avançait avec l'ardeur de sa jeunesse. Je voyais ses muscles se tendre, de la cheville jusqu'aux cuisses. Elle avait autant de grâce à grimper dans la colline qu'à marcher dans la rue sur des talons. Le désir me gagnait. Il était tôt, mais la chaleur libérait déjà les fortes odeurs de résine des pins. J'imaginai cette odeur de résine entre les cuisses de Léila. Le goût que cela pouvait avoir sur ma langue. À cet instant, je sus que j'allais poser mes mains sur ses fesses. Elle n'aurait pas fait un pas de plus. Je l'aurais serrée contre moi. Ses seins dans mes mains. Puis j'aurais caressé son ventre, déboutonné son short.

Je m'étais arrêté de marcher. Leila s'était retournée, un sourire aux lèvres.

— Je vais passer devant, j'avais dit.

Au passage, elle m'avait donné une tape sur les fesses, en riant.

— Qu'est-ce qui te fait rire ?

— Toi.

Le bonheur. Un jour. Il y a dix mille ans. "

izzo kheops


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Mardi 8 février 2022 2 08 /02 /Fév /2022 08:00

"La femme gelée" est un récit autobiographique paru en 1981 chez Gallimard. Disponible en collection Folio n° 1818 (182 pages)

Annie Ernaux, enseignante, mariée, trentenaire et mère de deux enfants, a toutes les apparences d'une femme heureuse. Et pourtant c'est une femme gelée qui a peu à peu perdu le goût de la vie. Ses souvenirs la replongent dans son enfance et son adolescence, quand elle découvrait son corps et les premières manifestations du désir. 

Pour illustrer cet article, je vous ai choisi une photographie de Hans Bellmer (the Doll) qui m'a paru en accord avec le propos d'Annie Ernaux sur son adolescence.

Pages 70 et suivantes : années 50 : Annie a pour copine une certaine Brigitte

" Elle se laissait aller souvent, elle oubliait le langage de Nous Deux, Brigitte, sa surface de petite fille comme il faut fichait le camp. Ensemble, on parlait de "ça". Et de "ça", les filles, je le savais, ne doivent pas parler. Intarissable, informée, Brigitte, avec ses propos rigolards et crus me libérait tous les dimanches. Avec elle, le monde était un sexe immense, une formidable envie, un écoulement de sang et de sperme. Elle savait tout, que des hommes vont avec des hommes et des femmes avec des femmes, comment il fallait faire pour ne pas avoir de môme. Incrédule, je fourrage dans la table de nuit (de mes parents). Rien. De dessous le matelas je tire une serviette froissée, empesée de taches par endroits. Objet terrible. Un vrai sacrilège. Quel mot a-t-elle employé, celui des hommes, le jus, la jute, on ne connaissait pas, le savant peut-être, qu'elle avait lu quelque part, sperme, qu'est-ce que l'écrire à côté de l'entendre résonner dans la chambre de mes parents à treize ans. On se racontait des histoires à horrifier les adultes, n'importe quel objet devenait obscène. Jambes en l'air, sexes ouverts ou dressés, banalité des revues pornos, on faisait mieux en paroles et plus gai. Pas de discrimination, le masculin et le féminin se partageaient nos conversations techniques et blagueuses. Impossible avec Brigitte de sombrer dans la honte le jour où la première secousse m'a saisie sous les draps, elle rit, moi aussi ça m'arrive, mais ne va pas raconter ça au curé, ça ne le regarde pas.

Et quel triomphe de lui annoncer que je suis comme "ça" moi aussi, plus la peine de me faire des simagrées avec ses maux de ventre, moi je porte une nouvelle situation avec bien-être.

Non je n'avais pas imaginé ainsi, le geste tranquille de relever la jupe plissée, baisser la culotte et s'asseoir sans penser à rien, le bas des cuisses bridé par l'élastique. La surprise absolue. Voir ce que je n'ai jamais vu encore, mon sang à moi, celui-là. Un état finit. Je reste à regarder comme les cartomanciennes du marc de café. Ça y est. Voilà cinq minutes après ma mère plaisante faux, "c'est comme ça qu'on devient jeune fille". Ni plus ni moins jeune fille qu'hier, simplement un merveilleux événement. Impossible de dire à ma mère mon contentement, une chose à dire à la seule qui comprendra, Brigitte. Déjà le récit se déroule dans ma tête, figure-toi que lundi à l'école comme d'habitude. Lui dire aussi ma crainte que ça s'arrête d'un seul coup, que j'aurais aimé une belle source limpide et que c'est un suintement marécageux, et elle ?

Tout lui paraissait bon à dire. Sûrement cette parole libre qui me liait à elle, la même qui ensuite me fera honte. Pas de chochotteries comme à l'école, pas d'inavouable. "Moi j'aime bien regarder les poitrines des femmes au cinéma !" J'entends encore son ton assuré, les dimanches d'été, elle mâchouillait un brin d'herbe qu'elle recrachait régulièrement, "les femmes n'aiment pas faire ça, ma mère me l'a dit" et puis ses yeux de chat et son rire, "tant pis, moi j'aimerai !" Parler le corps et le rire surtout. Mais j'étais sûre que c'était mal. L'idéal : l'autre Brigitte, celle de la collection pour jeunes filles, qui allait aux expositions de peinture et ne disait jamais un gros mot. Ma Brigitte à moi, elle ne l'oubliait pas non plus, le code de la vraie jeune fille. "Moi j'aimerai ça !" mais elle se levait, tapotait sa robe gracieusement, faisait une petite moue de dignité, le nez en l'air. Tout ça, c'était entre nous, pas ainsi qu'il convenait d'apparaître aux autres sous peine de passer pour des vicieuses, des dessalées salopes. Même, il était tapi dans nos conversations secrètes, le code. Pas d'erreur, par Brigitte j'ai tout appris sur la virginité, la porte que l'homme ouvre dans la douleur, la marque de la bonne conduite, pas possible d'en dissimuler l'absence, sauf piqûres de citron et encore. Extasiée, la tête renversée, l'œil mi-clos, Renée, la copine de bureau de Brigitte, disait à la sortie de la messe : "Il m'a dit, si tu n'es pas vierge le soir du mariage, tu entends, je t'étrangle." C'était devant le magasin d'électro-ménager et de valises. Quel frisson. Et les filles mères, il n'y avait pas à pleurer dessus. Les hommes, eux, pouvaient baiser tant qu'ils voulaient, mieux au contraire qu'ils aient de l'expérience, qu'ils sachent nous "initier". Malgré mon enfance active, ma curiosité, j'ai accepté comme une évidence d'être en dessous et offerte, la passivité ne m'a pas répugné à imaginer, rêve d'un grand lit ou d'herbes face au ciel, un visage se penche, des mains, la suite des opérations ne m'appartient jamais. L'admettre, on osait décrire nos règles et nos envies, mais le mariage a commencé à me paraître obligatoire et sacré avec elle. Et tacitement, si on parlait de notre sexualité, on n'envisageait pas de pouvoir la vivre jusqu'au bout."

Ernaux Hans Bellmer

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Mardi 28 décembre 2021 2 28 /12 /Déc /2021 08:00

David Foenkinos, "Les souvenirs", récit autobiographique paru en 2011 chez Gallimard. Disponible en collection Folio n° 5513 (290 pages)

Pour terminer mon année littéraire, je vous ai choisi un paragraphe "hymne à l'amour" où le narrateur évoque son amour pour Louise. Elle est professeur à Etretat, il est réceptionniste de nuit dans un hôtel parisien et accessoirement écrivain. Je pense que tous ceux d'entre vous qui ont vécu les premiers temps de l'amour apprécieront la justesse de ces quelques lignes.

Pages 234-235. " Après cette étape où Louise avait eu besoin de digérer notre rencontre par le silence, nous avons repris notre histoire. À nouveau, on ne cessait de se parler. On s'écrivait toute la journée. Dès que je vivais quelque chose, j'étais heureux de le vivre uniquement parce que cela se transformait aussitôt en matière à partager avec elle. L'angoisse épuisante des premières semaines s'atténuait progressivement, et je retrouvais un état naturel. Louise me rejoignait souvent le week-end, et je me précipitais sur elle. Le manque accumulé pendant les jours loin l'un de l'autre aggravait le désir. Nous avancions vers une sexualité de plus en plus libre. Je lui demandais ses fantasmes, et elle chuchotait des péripéties érotiques dans mes oreilles heureuses. Elle jouait à être mon jeu. Elle me disait : je suis à toi, je fais tout ce que tu veux, je suis ton corps qui te reçoit et je suis ta bouche qui te boit. Elle lissait ses cheveux, mettait un serre-tête, conservait ses talons, susurrait quelques mots en allemand, et me disait : Oh oui, comme j'ai envie. C'était fabuleux ce temps de l'érotisme acide, où les heures passent aussi vite que la jouissance est retardée. Les mois avancèrent ainsi, avec l'emploi du temps dissocié de notre amour : l'esprit la semaine, et le corps le week-end."

foenkinos

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Mardi 14 décembre 2021 2 14 /12 /Déc /2021 08:00

Roman largement autobiographique paru en 1965 chez Jean-Jacques Pauvert, "L'astragale" débute par l'évasion de la narratrice, encore mineure, de la "maison d'éducation surveillée" où elle est enfermée. En  sautant le mur d'enceinte, elle se brise l'astragale (un os du pied). Aux côtés de Julien qui l'a recueillie, elle va s'épanouir et découvrir le monde. Disponible en collection Livre de poche n° 2418 (192 pages)

Extrait pages 107-108 :

" Depuis mon évasion, je ne côtoie que des ex-taulards, des repris et non-repris de justice ; bien sûr, en prélude à mes retrouvailles avec Rolande, je n'avais pas l'intention de fréquenter d'autre monde, je rêvais de mauvaises relations, de mauvais coups, d'un tas de mauvaises choses à lui étaler ; mais mes rêves s'effritent, l'été décroît, Rolande s'irréalise... Bonjour, c'est moi : tu vois, je suis venue. Que peux-tu, que veux-tu faire avec moi, demain, lorsque nous aurons mangé, bu, bavardé et dormi ensemble ? Crois-tu que je me soucie encore de pèleriner aux sources de ton derrière, maintenant que d'autres moyens de jouir et de pleurer me sont revenus ? Entre toi et moi, à chaque seconde, le temps monte son mur ; je reste dans la nuit, mais s'il y a quelque part une aurore et que j'en découvre le chemin, j'y marcherai sans m'appuyer à toi, Rolande, Rolande de merde que c'est ta faute si j'ai la patte esquintée, oui : je me serais tirée de toute façon, j'aurais rencontré Julien quand même, et je ne serais pas obligée aujourd'hui de penser à toi, ma douce, avec la reconnaissance et la rancœur du ventre. Je ne sais pas si je goûte encore les femmes et si je dédaigne toujours les hommes ; mais l'homme à goûter, la femme à dédaigner, je sais leurs noms... Julien... mais... je t'aime ! ...."

Julien, je ne veux pas galvauder les mots, je me ferme la bouche de tes baisers ; mais je comprends que l'heure est venue... que je ne peux plus gambader dans les traverses, qu'il va falloir me jeter sur une voie unique, oh ! Rolande, Julien, je m'écartèle..."

astragale

Commentaire. Je me souviens que la publication de l'Astragale avait fait scandale, sans qu'à l'époque je comprenne vrament pourquoi. Je l'ai lu lors de ma première année universitaire (en 1970-71) et là encore, je dois avouer que je n'en avais pas saisi la portée. Ce n'est que cette année, soixante ans plus tard, que j'ai réalisé à quel point le récit était novateur : une très jeune femme rebelle, encore mineure, y revendiquait son homosexualité (liaison avec Rolande) et sa potentielle bisexualité (attirance pour Julien). C'était tout simplement l'histoire d'une femme libre

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Mardi 23 novembre 2021 2 23 /11 /Nov /2021 08:00

"Éloge des femmes mûres" est paru en France en 2001 aux Editions du Rocher, puis chez Gallimard. Mais ce roman, devenu best seller,  fut  initialement publié à compte d'auteur au Canada en 1965 sous le titre "In praise of older women". Son auteur d'origine hongroise Stephen Vizinczey, a dû s'exiler à l'ouest après la répression de la révolution hongroise de 1956. Le roman est disponible en collection Folio n° 4367 (284 pages) 

Extrait, pages 248-249 du Chapitre 15 : "Du bonheur avec une femme frigide". Rome. Le narrateur est l'amant de Paola, femme mariée qui revendique sa frigidité.

" Un samedi matin, tard, je fus réveillé par la chaleur. Le soleil m'arrivait dans les yeux à travers les vitres cintrées et les voilages blancs et il devait faire au moins trente-cinq degrés dans la chambre. Pendant la nuit nous avions rejeté la couverture et le drap de dessus, et Paola était étendue sur le dos, les jambes relevées, respirant sans un bruit. Nous ne semblons jamais autant à la merci de notre corps, la proie de notre inconscient, que lorsque nous sommes endormis. Le cœur battant, je décidai de tenter le tout pour le tout. Lentement, je lui écartai les jambes, tel un voleur écartant les branches pour frayer subrepticement son chemin dans un jardin. Derrière la touffe d'herbe blonde, je voyais son bouton rose foncé, avec ses deux longs pétales légèrement ouverts, comme si eux aussi avaient été sensibles à la chaleur. Ils étaient particulièrement ravissants et, toujours avide, je me mis à les humer et à les lécher. Les pétales ne tardèrent pas à s'amollir et je savourai bientôt la rosée de bienvenue, bien que le corps restât immobile. Paola devait maintenant être réveillée, mais elle n'en montrait rien ; elle se maintenait dans cet état rêveur où l'on essaie d'échapper à la responsabilité de ce qui va arriver en déclarant d'avance n'être ni vainqueur ni vaincu. Dix minutes, ou peut-être une demi-heure plus tard (le temps s'était dissous dans une odeur de pin), ses entrailles commencèrent à se contracter et à se relâcher, et, en frémissant, elle accoucha enfin de sa jouissance, ce fruit de l'amour dont ne peuvent se passer même les amants d'un jour. Quand la coupe déborda, elle me prit les bras pour m'attirer contre elle et je pus enfin la pénétrer la conscience tranquille.

— "Tu as l'air content de toi" : telles furent ses premières paroles quand elle posa de nouveau sur moi son regard bleu et critique."

vizinczey

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Vendredi 12 novembre 2021 5 12 /11 /Nov /2021 08:00

"Nouvelles sous ecstasy" est un recueil de 14 textes très courts écrits entre 1990 et 1999. Le recueil est paru en 1999 chez Gallimard et on le trouve en collection Folio n° 3401 (101 pages) 

Pour cet article, je vous ai choisi des passages de la nouvelle "Le jour où j'ai plu aux filles" datée de 1994.

Le narrateur vient de recontrer deux jeunes filles dans la rue.

" Comme toujours dans ces cas-là, il y en avait une jolie et une moche — et ça faisait deux cafés à payer (trois en comptant le mien).

Je leur ai proposé : "On s'asseoit à une terrasse ?"

— Pour quoi faire ? m'ont-elles répondu en chœur. Si tu veux faire l'amour avec nous, on est d'accord. pas besoin de payer deux cafés (trois en comptant le tien).

La jolie m'a embrassé sur la bouche en y tournant la langue. La moche a posé sa main sur mes couilles avec une certaine délicatesse. La jolie a glissé la sienne dans ma chemise pour caresser mon torse glabre. La moche m'a fait bander. La jolie a tiré mes cheveux. La moche a roulé une pelle à la jolie. La moche était plus jolie que la jolie.

Et tout ceci se passait en pleine rue, devant les passants indifférents. Puisque je vous dis que ce matin n'était pas tout à fait normal.

Nous sommes allés sur un banc public, et tandis que je léchais l'oreille de la jolie, la moche s'installait à califourchon sur moi. En l'absence de culotte, elle avait un intérieur confortable. Après quelques secousses, nous jouîmes à l'unisson.

Je suppose que nous avons crié très fort car quand j'ai rouvert les yeux, il y avait un attroupement autour de notre banc. Certains badauds avaient même jeté des pièces. Le temps de les ramasser et les deux filles avaient disparu."

beigbeder-ecstasy

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Vendredi 5 novembre 2021 5 05 /11 /Nov /2021 08:00

Régine Deforges : "Lola et quelques autres" est un recueil de 13 nouvelles (chacune a pour titre un prénom féminin commençant par le lettre L et pour cadre un quartier de Paris) parues en 1979 aux Editions Jean Goujon. On peut trouver ce recueil en Livre de poche n° 5596 ( 219 pages)

Extrait. Lucette ou la belle crémière de la rue Mouffetard

Lucette est amoureuse de Victor, le boucher. Elle le retrouve pendant la pause d'un après-midi d'été.

" Victor enfonçait sa bouche sentant la viande grillée et le vin dans son cou, puis entre ses seins qu'il palpait comme il devait palper un bœuf pour apprécier la qualité de la bête. Un jour, d'ailleurs, voulant complimenter Lucette sur la beauté et la douceur de sa peau, il lui avait dit au plus fort de leur étreinte amoureuse :

− Ah ! quelle belle viande !

Au lieu d'agacer Lucette, cela l'avait considérablement excitée. C'est elle qui insistait pour qu'il ne lave pas le sang de ses mains avant de la caresser. Une fois, elle avait failli devenir folle de plaisir quand, pressé par le temps, il l'avait bousculée sur le billot de la boucherie sans même prendre la peine d'écarter la viande sur laquelle il était en train de travailler et, lui relevant les jambes à hauteur des épaules, l'avait besognée avec une force qui faisait trembler la lourde table. Elle avait éprouvé, au contact de cette chair morte d'où montait une odeur fade et à celle vivante, chaude, de l'homme sur laquelle roulaient des gouttes de sueur âcre et salée, une volupté jamais attteinte. Depuis, quand elle croisait des bouchers, aux vêtements, aux mains et quelquefois au visage poisseux de sang, portant d'énormes quartiers de viande saignante, elle éprouvait un orgasme rapide qui lui laissait les jambes molles.

Au début de leur liaison, Victor s'était amusé de ce qu'il appelait "ses lubies". maintenant, quelquefois, ça lui donnait envie de l'envoyer "se faire voir ailleurs". Mais, il revenait toujours à de plus aimables sentiments : Lucette avait un cul et des seins comme il les aimait. Du plus loin qu'il se souvenait, il n'en avait jamais vu d'aussi gros ni d'aussi fermes en même temps. Imaginez des tétons aux pointes d'un rose si tendre qu'on aurait dit du veau, et se dressant à la moindre caresse, débordant largement des deux mains réunies, et quelles mains ! des mains de boucher, au sillon si confortable que plus d'une fois il y avait glissé son sexe. Quant au cul ! ... ah, ce cul !... il aurait fallu que le boucher fût poète pour lui rendre un hommage digne de son opulence, de sa douceur, de sa fermeté, de sa blancheur, de son parfum. Le cul de Lucette sentait la crème fraîche, la paille de la litière, le foin dans la mangeoire."

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Mardi 26 octobre 2021 2 26 /10 /Oct /2021 08:00

Troisième nouvelle du recueil paru en poche 10/18 n° 781, "Histoire de l'œil" datée de 1967 est la plus longue (90 pages). Elle a pour fil conducteur la relation étrange qu'entretient le narrateur avec une jeune femme prénommée Simone. Ensemble, ils vont voyager jusqu'en Espagne et faire des rencontres. Je vous en ai choisi deux extraits. 

Extrait n° 1. Simone et le narrateur sont à vélo, nus, en  pleine campagne, de nuit, en route vers une ville encore lointaine.

" La selle de cuir se collait à nu au cul de Simone qui fatalement se branlait en tournant les jambes. Le pneu arrière disparaissait à mes yeux dans la fente du derrière nu de la cycliste. Le mouvement de rapide rotation de la roue était d'ailleurs assimilable à ma soif, à cette érection qui déjà m'engageait dans l'abîme du cul collé à la selle. Le vent était un peu tombé, une partie du ciel s'étoilait ; il me vint à l'idée que la mort était la seule issue de mon érection, Simone et moi tués, à l'univers de notre vision personnelle se substitueraient les étoiles pures, réalisant à froid ce qui me paraît le terme de mes débauches, une incandescence géométrique (coïncidence, entre autres, de la vie et de la mort, de l'être et du néant ) et parfaitement fulgurante."

bataille-oeil1

Extrait n°2. Ils sont maintenant à Madrid, où ils assistent en compagnie d'un certain Sir Edmond à une corrida, spectacle qui a le don d'exciter Simone. Un taureau noir et valeureux vient d'être mis à mort.

" Simone, debout entre Sir Edmond et moi – son exaltation égale à la mienne – refusa de s'asseoir après l'ovation. Elle me prit la main sans mot dire et me conduisit dans une cour extérieure de l'arène où régnait l'odeur de l'urine. Je pris Simone par le cul tandis qu'elle sortait ma verge en colère. Nous entrâmes ainsi dans des chiottes puantes où des mouches minuscules souillaient un rai de soleil. La jeune fille dénudée, j'enfonçais dans sa chair baveuse et couleur de sang ma queue rose, tandis que je branlais l'anus avec rage : en même temps se mêlaient les révoltes de nos bouches.

L'orgasme du taureau n'est pas plus fort que celui qui, nous cassant les reins, nous entredéchira sans que le membre reculât, la vulve écartelée noyée de foutre. Les battements du cœur dans nos poitrines – brûlantes et avides d'être nues – ne s'apaisaient pas. Simone, le cul encore heureux, moi, la verge raide, nous revînmes au premier rang. mais, à la place où mon amie devait s'asseoir reposaient sur une assiette les deux couilles nues, ces glandes, de la grosseur et de la forme d'un œuf, étaient d'une blancheur nacrée, rosie de sang, analogue à celle du globe oculaire"

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Mardi 5 octobre 2021 2 05 /10 /Oct /2021 08:00

Georges Bataille : "Madame Edwarda". Nouvelle parue à l'origine clandestinement en 1941 et 1945 sous le pseudonyme de Pierre Angélique, puis rééditée en 1956  chez Jean-Jacques Pauvert. La nouvelle se trouve aujourd'hui en collection de poche 10-18 n° 781 dans un recueil qui regroupe outre "Madame Edwarda" deux autres écrits de 1967 "Le Mort" et "Histoire de l'œil"

Extrait : De nuit, Edwarda et le narrateur ont pris place dans un taxi parisien. Ils filent vers les Halles

" Il (le chauffeur) nous mena dans des rues sombres. Calme et lente, Edwarda dénoua les liens de son domino qui glissa, elle n'avait plus de loup ; elle retira son boléro, et dit pour elle-même à voix basse : 

  Nue comme une bête.

Elle arrêta la voiture en frappant la vitre et descendit. Elle approcha jusqu'à toucher le chauffeur et lui dit :

− Tu vois... je suis à poil... viens.

Le chauffeur immobile regarda la bête : s'écartant elle avait levé haut la jambe, voulant qu'il vît la fente. Sans mot dire et sans hâte, cet homme descendit du siège. Il était solide et grossier. Edwarda l'enlaça, lui prit la bouche et fouilla la culotte d'une main. Elle fit tomber le pantalon le long des jambes et lui dit :

− Viens dans la voiture.

Il vint s'asseoir auprès de moi. Le suivant, elle monta sur lui, voluptueuse, elle glissa de sa main le chauffeur en elle. Je demeurai inerte, regardant ; elle eut des mouvements lents et sournois d'où, visiblement, elle tirait le plaisir suraigu. L'autre lui répondait. Il se donnait de tout son corps brutalement : née de l'intimité, mise à nu, de ces deux êtres, peu à peu, leur étreinte en venait au point d'excès où le cœur manque. Le chauffeur était renversé dans un halètement. J'allumai la lampe intérieure de la voiture. Edwarda, droite, à cheval sur le travailleur, la tête en arrière, sa chevelure pendait. Lui soutenant la nuque, je vis les yeux blancs. Elle se tendit sur la main qui la portait et la tension accrut son râle. Ses yeux se rétablirent, un instant même, elle parut s'apaiser. Elle me vit : de son regard, à ce moment-là, je sus qu'il revenait de l'impossible et je vis, au fond d'elle, une fixité vertigineuse. À la racine, la crue qui l'inonda rejaillit dans ses larmes : les larmes ruisselèrent des yeux. L'amour, dans ces yeux, était mort, un froid d'aurore en émanait, une transparence où je lisais la mort. Et tout était noué dans ce regard de rêve : les corps nus, les doigts qui ouvraient la chair, mon angoisse et le souvenir de la bave aux lèvres, il n'était rien qui ne contribuait à ce glissement aveugle vers la mort.

La jouissance d'Edwarda −  fontaine d'eaux vives − coulant en elle à fendre le cœur − se prolongeait de manière insolite : le flot de volupté n'arrêtait pas de glorifier son être, de faire sa nudité plus nue, son impudeur plus honteuse."

bataille edwarda

Par michel koppera - Publié dans : lectures x - Communauté : Fantasmes et écriture
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