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Mardi 10 août 2021 2 10 /08 /Août /2021 08:00

Tatiana de Rosnay : "Spirales". Roman paru en 2008 aux Editions Héloïse d'Ormesson. Collection Le Livre de Poche n° 32873 (185 pages)

Hélène, une quinquagénaire paisible, mariée, mère de deux enfants, se laisse aller à une aventure éphémère avec un inconnu.

Extrait, pages 23 à 25.

" − Je vous attendais, dit-il. j'étais sûr que vous alliez revenir.

Hélène était comme hypnotisée. Elle ne pouvait plus parler. Elle ne pouvait plus que regarder cet homme qui avait encerclé son poignet de ses doigts. Il prit sa main, l'ouvrit, saisit la clef qu'elle serrait de toutes ses forces.

− Rangez ça, murmura-t-il.

Elle glissa la clef dans la poche de sa robe.

− Venez, ordonna-t-il avec un sourire. Venez avec moi. Maintenant.

Il avait toujours cet accent indéfinissable. La chaleur écrasante semblait la pousser vers lui. Elle se liquéfiait, se désintégrait. Elle n'avait plus de substance. Elle ne pensait plus. Le suivre maintenant ? Oui, elle le devait. Elle le voulait. Elle était venue pour ça.

Une porte cochère à la peinture écaillée, une cour délabrée, une autre porte, puis un petit appartement sombre, étouffant de chaleur. Elle ne remarqua pas le désordre, la saleté. Elle ne voyait que l'homme debout devant elle qui, d'un geste brutal, défit les boutons de sa robe. Elle ne voyait que les mains qui prenaient possession de la moiteur de sa peau.

L'homme parlait, disait qu'elle était belle, qu'elle était excitante, qu'il allait la faire jouir. Hélène n'avait pas l'habitude de ces mots-là. Elle les savoura comme un dessert nouveau. L'homme était pressé, haletant. Mais il souhaitait avant tout lui donner du plaisir. Il s'agenouilla devant elle, enfouit son visage entre ses cuisses nues.

spirales tatiana de rosnayPendant un très court instant, Hélène revint à elle. Elle se vit, plaquée contre le mur décrépi d'une pièce désordonnée. Elle vit la tête d'un étranger contre son ventre, une épaisse chevelure sombre. Elle vit les mains d'un étranger, les ongles noirs de crasse, agrippées à ses hanches. Elle faillit hurler, le repousser, s'enfuir. Les lèvres de l'étranger lui procuraient un plaisir inconnu.

Impossible de s'en aller. Impossible de faire autre chose que de rester rivée à lui, incandescente. Elle ne savait plus qui elle était. Elle s'en fichait. Seul importait cet homme.

Sa jouissance était presque douloureuse tant elle la vida. Il y eut du noir devant ses yeux, une pression sur ses tempes. Elle vacilla. L'homme la rattrapa. Ses yeux étaient fiévreux, son visage presque hagard. Il parlait, mais elle ne l'entendait plus. Il la guida vers un lit défait, retroussa davantage la robe froissée. Tout se passa très vite. Il était en elle.

Au début, elle le subit, affolée, confuse. mais petit à petit, sa jouissance toute récente sembla se raviver, se décupler. C'était une sensation à la fois exquise et insupportable. Le centre du monde, cette chambre brûlante comme un four, cet inconnu qui pétrissait son corps, les grognements et les cris qu'elle n'avait pas l'impression de pousser, mais qui venaient pourtant d'elle. Leurs chairs rendues glissantes par la sueur se collaient l'une à l'autre avec un bruit mat de ventouse.

Le temps s'était arrêté. Il n'y avait plus pour Hélène que cet accouplement sauvage, charnel dans lequel elle puisait une volupté frénétique. Elle ne voulait pas que cela finisse, elle subodorait déjà dans les mouvements de l'inconnu qu'il allait jouir, alors elle ferma les yeux pour garder au plus profond d'elle, au plus intime, ce qu'elle était en train de vivre.

Avec un râle, presque un cri, l'homme s'écroula sur elle, l'écrasant de son poids. Yeux toujours fermés, elle accueillit ce corps étranger qu'elle enveloppa de ses bras avec une sorte de tendresse. Elle avait envie de lui dire merci, merci pour tout ce qu'elle n'avait jamais connu et qu'elle découvrait à cinquante ans, grâce à lui. Elle sentit son souffle chaud contre son oreille, puis il eut un soubresaut, comme un dernier spasme de plaisir.

Le calme tomba sur leurs deux corps toujours luisants de sueur. Elle se sentait bien avec cet homme blotti dans ses bras comme un enfant. Comme il était apaisé, silencieux, après l'orage de cette possession si brutale. "   

Par michel koppera - Publié dans : lectures x - Communauté : Fantasmes et écriture
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Mardi 3 août 2021 2 03 /08 /Août /2021 08:00

Andreï Makine, "Le testament français". (343 pages) paru aux éditions Mercure de France, disponible en collection Folio n° 2934. Ce roman a obtenu en 1995 le Prix Goncourt, le prix Médicis et le prix Goncourt des lycéens

Pages 236-237 : En compagnie de son ami Pachka, le narrateur alors âgé d'une quinzaine d'années, se glisse un soir le long de la coque d'une péniche amarrée au bord de la Volga. Par les hublots mal fermés par du contreplaqué, ils espionnent ce qu'il se passe à l'intérieur.

"Je me collai au hublot de gauche (...). Ce que je vis à travers la fente était à la fois banal et extraordinaire. Une femme dont je ne voyais que la tête, de profil, et le haut du corps, semblait accoudée à une table, les bras parallèles, les mains immobiles. Son visage paraissait calme et même ensommeillé. Seule sa présence, ici, dans cette péniche, pouvait surprendre. Quoique après tout... Elle secouait légèrement sa tête aux cheveux clairs frisés, comme si, sans arrêt, elle approuvait un interlocuteur invisible. (...) Je me déplaçai vers le hublot voisin, me noyant dans l'une des fissures dont était perforé le bois qui le bouchait, en essayant de retenir dans mon regard la vision qui venait de m'aveugler.

C'était une croupe féminine d'une nudité blanche, massive. Oui, les hanches d'une femme agenouillée, vue toujours de côté, ses jambes, ses cuisses dont la largeur m'effraya, et le début de son dos coupé par le champ de vision de la fente. Derrière cette énorme croupe se tenait un soldat, à genoux lui aussi, le pantalon déboutonné, la vareuse en désordre. Il empoignait les hanches de la femme et les tirait vers lui comme s'il voulait s'enliser dans cet amas de chair qu'il repoussait en même temps par des secousses violentes de tout son corps. (...) Je fis un pas à gauche, me retrouvant près du premier hublot. Je serrai le front contre son cadre d'acier. Dans la fente apparut la femme aux cheveux frisés, au visage indifférent et sommeilleux, celle que j'avais vue d'abord. Accoudée sur ce qui ressemblait à une nappe, vêtue d'un chemisier blanc, elle continuait à acquiescer par des petits hochements de tête et, distraitement, elle examinait ses doigts...

maikine

Ce premier hublot. Et le deuxième. Cette femme aux paupières lourdes de sommeil, son habit et sa coiffure très ordinaires. Et cette autre. Cette croupe nue dressée, cette chair blanche dans laquelle s'enlisait un homme paraissant fluet à côté d'elle, ces épaisses cuisses, ce mouvement pesant des hanches. Dans ma jeune tête affolée, aucun lien ne pouvait associer ces deux images. Impossible d'unir ce haut d'un corps féminin à ce bas !

Pages 249-250 : (ma double appartenance à la culture russe et française) scindait la réalité en deux. Comme elle avait fait avec le corps de cette femme que j'espionnais à travers deux hublots différents : il y avait une femme en chemisier blanc, calme et très ordinaire, et l'autre —  cette immense croupe rendant presque inutile, par son efficacité charnelle, le reste du corps. Et pourtant , je savais que ces deux femmes n'en faisaient qu'une."

  

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Vendredi 30 juillet 2021 5 30 /07 /Juil /2021 08:00

Frédéric Beigbeder, "L'amour dure trois ans" 

Extrait n° 3 : pages 177 et179

Séjour à l'hôtel sur l'île de Formentera, en compagnie de son ami Jean-Georges

" Nous jetons des œillades à la serveuse. Elle est à croquer, porte un boléro, sa peau mate est légèrement duveteuse, grands yeux noirs, se tient cambrée, farouche comme une squaw. (...) La serveuse en robe dos nu s'appelle Matilda. Elle est booonne. Jean-Georges lui a chanté la chanson de Harry Belafonte : Matilda she take me money and run Venezuela. (...) Au bar de Ses Roques, nous l'avons invitée à danser. Elle tapait dans ses mains mates, ondulait des hanches, sa chevelure tourbillonnait. Elle avait des poils sous les bras, Jean-Georges lui a demandé :

- Pardon Mademoiselle, nous cherchons un endroit où dormir. Vous n'auriez pas de la place chez vous, por favor ? (...)

De retour à la Casa, complètement raide, Matilda a saisi ma queue à bras-le-corps. Elle avait une chatte géante mais musclée qui sentait les vacances. Ses cheveux puaient la sinsemilla. Elle criait si fort que Jean-Georges a rempli sa bouche pour la faire taire ; ensuite nous avons échangé les places avant d'éjaculer en chœur sur ses gros seins fermes. Juste après avoir joui, je me suis réveillé en sueur, mort de soif. Un véritable ermite ne devrait pas trop abuser des plantes exotiques."

amour 3 ans

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Vendredi 23 juillet 2021 5 23 /07 /Juil /2021 08:00

Frédéric Beigbeder, "L'amour dure trois ans"

Extrait n° 2. pages 112-113

" Désormais, quand j'ai bu des alcools délayés, je marmonne seul, comme un clochard. Je vais me branler dans une cabine de projection vidéo, 88 rue Saint-Denis. Je zappe entre 124 films pornos. Un mec suce un Noir de 30 cm. Zap. Une fille attachée reçoit de la cire sur la langue et des décharges électriques sur sa chatte rasée. Zap. Une fausse blonde siliconée avale une bonne gorgée de sperme. Zap. Un mec cagoulé perce les tétons d'une Hollandaise qui hurle "Yes, Master". Zap. Une jeune amatrice inexpérimentée se fait enfoncer un godemiché dans l'anus et un dans le vagin. Zap. Triple éjac faciale sur deux lesbiennes avec pinces à linge sur les seins et le clitoris. Zap. Une obèse enceinte. Zap. Double fist-fucking. Zap. Pipi dans la bouche d'une Thaïlandaise encordée. Zap. Merde, je n'ai plus de pièces de 10 francs et je n'ai pas joui, trop ivre pour y arriver. Je parle tout seul dans le sex-shop en faisant des moulinets avec les bras. J'achète une bouteille de poppers. Je voudrais être copain avec ces ivrognes de la rue Saint-Denis qui crient en titubant que les plus belles femmes du monde étaient à leurs pieds, dans le temps."

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Le sex-shop du 88 de la rue Saint-Denis


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Mardi 20 juillet 2021 2 20 /07 /Juil /2021 08:00

Frédéric Beigbeder : "L'amour dure trois ans", roman paru en 1997 aux Éditions Grasset & Fasquelle. Disponible en Poche Folio n° 3518 ( 194 pages)

Extrait 1 : pages 103-105. Le narrateur, Marc Marronnier, nous parle de sa relation amoureuse avec Alice, sa maîtresse.

" Alice considère le sexe, non comme une obligation, mais comme un jeu dont il convient de découvrir les règles avant, éventuellement, de les modifier. Elle n'a aucun tabou, collectionne les fantasmes, veut tout explorer. Avec elle, j'ai rattrapé trente années de retard. Elle m'a appris à caresser. Les femmes, il faut les effleurer du bout des doigts, les frôler avec la pointe de la langue : comment aurais-je pu le savoir si personne ne me l'avait dit ? J'ai découvert qu'on pouvait faire l'amour dans un tas d'endroits (un parking, un ascenseur, des toilettes de boîtes de nuit; des toilettes de train, des toilettes d'avion, et même ailleurs que dans les toilettes, dans l'herbe, dans l'eau, au soleil) avec toutes sortes d'accessoires (sados, masos, fruits, légumes) et dans toutes sortes de positions (sens dessus dessous, sans dessous dessus, à plusieurs, attaché, attachant, flagellant de Séville, jardinier des Supplices, distributeur de jus de couilles, pompe à essence, avaleuse de serpents, domina démoniaque, 3615 Nibs, gang-bang gratos aux chandelles). Pour elle, je suis devenu plus qu'hétéro, homo ou bisexuel : je suis devenu omnisexuel. Pourquoi se limiter ?

Je veux bien baiser des animaux, des insectes, des fleurs, des algues, des bibelots, des meubles, des étoiles, tout ce qui voudra bien de nous. Je me suis même trouvé une étonnante capacité à inventer des histoires plus abracadabrantes les unes que les autres rien que pour les lui susurrer dans le creux de l'oreille pendant l'acte. Un jour j'en publierai un recueil qui choquera ceux qui me connaissent mal. En fait, je suis devenu un authentique obsédé pervers polymorphe, bref, un bon vivant. Je ne vois pas pourquoi seuls les vieillards auraient le droit d'être libidineux.

En résumé, si une histoire de cul peut devenir une histoire d'amour, l'inverse est très rare."

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Ma représentation personnelle du couple d'amants, Alice et Marc

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Mardi 6 juillet 2021 2 06 /07 /Juil /2021 08:00

Joël Dicker, "La Vérité sur l'Affaire Harry Quebert" roman paru en 2014 aux  Editions de Fallois. Disponible en édition de poche, 855 pages.

Ellipse narrative : entre ces deux extraits, le récit s'est poursuivi mais ailleurs, avec d'autres personnages. Pour vous aider, je vous ai mis en caractères gras les deux éléments qui vous permettent de combler le vide de l'ellipse

Extrait 1. Page 203. Juin 1975Jenny, jeune serveuse dans le bar du village, est secrètement amoureuse de Harry, écrivain new-yorkais. En l'absence de ce dernier elle pénètre dans sa maison et découvre un brouillon de lettre d'amour dont elle est persuadée qu'elle lui est destinée

" Rayonnante de bonheur, Jenny se mit à embrasser la feuille et la serra contre elle. Puis elle esquissa un pas de danse et s'écria à haute voix : " Harry, mon amour, vous n'êtes pas fou ! Moi aussi je vous aime et vous avez tous les droits du monde sur moi. Ne fuyez pas, mon chéri ! Je vous aime tant !" Excitée par sa découverte, elle s'empressa de reposer le feuillet sur le pupitre, craignant d'être surprise, et retourna aussitôt au salon. Elle s'allongea sur le canapé, releva sa jupe pour que l'on voie ses cuisses et dégrafa sa boutonnière pour faire ressortir ses seins. Personne ne lui avait jamais rien écrit d'aussi beau. Dès qu'il reviendrait, elle se donnerait à lui. Elle lui offrirait sa virginité." 

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Extrait 2. Page 206. Mais les heures ont passé et Harry n'est pas rentré chez lui.

" À vingt heures, Jenny se réveilla en sursaut. À force d'attendre sur le canapé, elle s'était assoupie. Le soleil déclinait à présent, c'était le soir. Elle était vautrée sur le divan, un filet de bave au coin de la bouche, l'haleine lourde. Elle remonta sa culotte, rangea ses seins, s'empressa de remballer son pique-nique et elle s'enfuit de la maison de Goose Cove, honteuse."

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Mardi 22 juin 2021 2 22 /06 /Juin /2021 08:00

Eric Laurrent, "Une fille de rêve" roman paru chez Flammarion en 2020 (243 pages)

Ce livre aurait pu s'appeler "Grandeur et misère des bimbos". Sur un canevas assez proche de Nana,  mais contemporain, Eric Laurrent nous retrace la brève carrière d'une jeune femme qui, à trop vouloir s'approcher du soleil de la gloire, finira comme Icare par chuter. 

Extrait pages 20-21 : Septembre1982. À peine sortie de l'adolescence, la jeune Nicole Sauxilange (pas encore Nicky Soxy) se présente à un casting pour le "magazine pour hommes" Dreamgirls. C'est Claudie Meyer, assistante du patron du magazine et chargée du recrutement des futures modèles qui va tester ses compétences

" NIcole s'était déjà déshabillée, témoignant par là d'une désinvolture peu commune, a fortiori pour son âge, qui est, comme on sait, celui des pudeurs maladives. Elle se tenait au centre de la pièce, les mains sur les hanches, solidement campée sur ses deux jambes, et attendait en souriant. L'embarras qu'elle avait manifesté jusque-là s'était totalement dissipé, comme si la nudité lui apportait toute la contenance dont elle avait manqué, quand se dévêtir suscitait en règle générale une gêne palpable chez les modèles qui passaient ici, dont la plupart ne pouvaient s'empêcher tout à la fois de se couvrir la poitrine d'un bras et de plaquer une main au bas de leur ventre.

" Dites donc, fit observer Claudie Mayer, on dirait que vous avez fait ça toute votre vie. Vous avez déjà posé nue ? — Oui... Souvent. — Ah bon ? Et pour qui ? — Pour un petit ami. — Ça n'a pas l'air de vous gêner plus que cela en tout cas. — Pourquoi ça devrait me gêner ? c'est juste un corps." (...)

une fille de reveSitôt eut-elle inséré un film dans le tiroir de l'appareil (un Polaroïd), elle la vit alors faire un geste qu'elle n'avait jamais vu chez aucune des centaines de filles qu'elle avait photographiées pour Dreamgirls : avec un naturel qui suggérait effectivement une maîtrise innée de l'art de poser nue et, au-delà, une connaissance précise de son anatomie, l'adolescente se pinça par deux fois les mamelons afin de les faire se dresser, tirant dessus avec rudesse, jusqu'à soulever ses seins, avant de les relâcher d'un coup, et cela sans laisser transparaître le moindre signe de douleur ni de désagrément, comme si elle eût tourné deux vulgaires commutateurs pour établir une communication ou éclairer une pièce. " C'est bon, madame, dit-elle après s'être assurée du résultat, vous pouvez y aller, Je suis prête."


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Vendredi 11 juin 2021 5 11 /06 /Juin /2021 08:00

Nana est un roman de la saga des Rougon-Macquart paru en 1880. Le personnage de Nana est devenu l'archétype de la jeune femme issue d'un milieu modeste voire misérable qui, grâce à sa beauté et à une folle ambition, se hisse dans la haute société en usant de son corps. D'abord prostituée dès l'âge de 16 ans, elle devient demi-mondaine, puis femme entretenue qui côtoie le "tout Paris" des artistes, des hommes politiques influents et surtout des riches hommes d'affaires. Evidemment, afin que la morale soit sauve, après une gloire éphémère, la chute est inéluctable. Pour Nana, ce sera la ruine et la maladie (syphilis).

C'est en seconde au lycée que j'ai entrepris la lecture intégrale des Rougon-Macquart et j'avoue qu'à l'époque, je n'avais pas saisi le caractère sulfureux du récit de Zola. Je me souviens que j'avais été surtout impressionné par la description de l'alambic dans l'Assommoir, du festin de Noël chez Gervaise ou encore par la condition des mineurs de fond dans Germinal

Extrait du chapitre 7 de Nana. En fin de soirée, Nana, en pleine possession de sa beauté encore juvénile, se retrouve dans son appartement en compagnie du Comte Muffat qui l'entretient.

" Un des plaisirs de Nana était de se déshabiller en face de son armoire à glace, où elle se voyait en pied. Elle faisait tomber jusqu’à sa chemise ; puis, toute nue, elle s’oubliait, elle se regardait longuement. C’était une passion de son corps, un ravissement du satin de sa peau et de la ligne souple de sa taille, qui la tenait sérieuse, attentive, absorbée dans un amour d’elle-même. Souvent, le coiffeur la trouvait ainsi, sans qu’elle tournât la tête. Alors, Muffat se fâchait, et elle restait surprise. Que lui prenait-il ? Ce n’était pas pour les autres, c’était pour elle.

Ce soir-là, voulant se mieux voir, elle alluma les six bougies des appliques. (...)

Lâchant la chemise, attendant que Muffat eût fini sa lecture, elle resta nue. Muffat lisait lentement. La chronique de Fauchery, intitulée la Mouche d’Or, était l’histoire d’une fille, née de quatre ou cinq générations d’ivrognes, le sang gâté par une longue hérédité de misère et de boisson, qui se transformait chez elle en un détraquement nerveux de son sexe de femme. Elle avait poussé dans un faubourg, sur le pavé parisien ; et, grande, belle, de chair superbe ainsi qu’une plante de plein fumier, elle vengeait les gueux et les abandonnés dont elle était le produit. Avec elle, la pourriture qu’on laissait fermenter dans le peuple remontait et pourrissait l’aristocratie. Elle devenait une force de la nature, un ferment de destruction, sans le vouloir elle-même, corrompant et désorganisant Paris entre ses cuisses de neige, le faisant tourner comme des femmes, chaque mois, font tourner le lait. Et c’était à la fin de l’article que se trouvait la comparaison de la mouche, une mouche couleur de soleil, envolée de l’ordure, une mouche qui prenait la mort sur les charognes tolérées le long des chemins, et qui, bourdonnante, dansante, jetant un éclat de pierreries, empoisonnait les hommes rien qu’à se poser sur eux, dans les palais où elle entrait par les fenêtres. (...)

Alors, il leva les yeux. Nana s’était absorbée dans son ravissement d’elle-même. Elle pliait le cou, regardant avec attention dans la glace un petit signe brun qu’elle avait au-dessus de la hanche droite ; et elle le touchait du bout du doigt, elle le faisait saillir en se renversant davantage, le trouvant sans doute drôle et joli, à cette place. Puis, elle étudia d’autres parties de son corps, amusée, reprise de ses curiosités vicieuses d’enfant. Ça la surprenait toujours de se voir ; elle avait l’air étonné et séduit d’une jeune fille qui découvre sa puberté. Lentement, elle ouvrit les bras pour développer son torse de Vénus grasse, elle ploya la taille, s’examinant de dos et de face, s’arrêtant au profil de sa gorge, aux rondeurs fuyantes de ses cuisses. Et elle finit par se plaire au singulier jeu de se balancer, à droite, à gauche, les genoux écartés, la taille roulant sur les reins, avec le frémissement continu d’une almée dansant la danse du ventre.

Muffat la contemplait. Elle lui faisait peur. Le journal était tombé de ses mains. Dans cette minute de vision nette, il se méprisait. C’était cela : en trois mois, elle avait corrompu sa vie, il se sentait déjà gâté jusqu’aux moelles par des ordures qu’il n’aurait pas soupçonnées. Tout allait pourrir en lui, à cette heure. Il eut un instant conscience des accidents du mal, il vit la désorganisation apportée par ce ferment, lui empoisonné, sa famille détruite, un coin de société qui craquait et s’effondrait. Et, ne pouvant détourner les yeux, il la regardait fixement, il tâchait de s’emplir du dégoût de sa nudité.

Nana ne bougea plus. Un bras derrière la nuque, une main prise dans l’autre, elle renversait la tête, les coudes écartés. Il voyait en raccourci ses yeux demi-clos, sa bouche entr’ouverte, son visage noyé d’un rire amoureux ; et, par derrière, son chignon de cheveux jaunes dénoué lui couvrait le dos d’un poil de lionne. Ployée et le flanc tendu, elle montrait les reins solides, la gorge dure d’une guerrière, aux muscles forts sous le grain satiné de la peau. Une ligne fine, à peine ondée par l’épaule et la hanche, filait d’un de ses coudes à son pied. Muffat suivait ce profil si tendre, ces fuites de chair blonde se noyant dans des lueurs dorées, ces rondeurs où la flamme des bougies mettait des reflets de soie. Il songeait à son ancienne horreur de la femme, au monstre de l’Écriture, lubrique, sentant le fauve. Nana était toute velue, un duvet de rousse faisait de son corps un velours ; tandis que, dans sa croupe et ses cuisses de cavale, dans les renflements charnus creusés de plis profonds, qui donnaient au sexe le voile troublant de leur ombre, il y avait de la bête. C’était la bête d’or, inconsciente comme une force, et dont l’odeur seule gâtait le monde. Muffat regardait toujours, obsédé, possédé, au point qu’ayant fermé les paupières, pour ne plus voir, l’animal reparut au fond des ténèbres, grandi, terrible, exagérant sa posture. Maintenant, il serait là, devant ses yeux, dans sa chair, à jamais.

Mais Nana se pelotonnait sur elle-même. Un frisson de tendresse semblait avoir passé dans ses membres. Les yeux mouillés, elle se faisait petite, comme pour se mieux sentir. Puis, elle dénoua les mains, les abaissa le long d’elle par un glissement, jusqu’aux seins, qu’elle écrasa d’une étreinte nerveuse. Et rengorgée, se fondant dans une caresse de tout son corps, elle se frotta les joues à droite, à gauche, contre ses épaules, avec câlinerie. Sa bouche goulue soufflait sur elle le désir. Elle allongea les lèvres, elle se baisa longuement près de l’aisselle, en riant à l’autre Nana, qui, elle aussi, se baisait dans la glace."

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Illustration: tableau de Fabio Fabbi (1861-1946)

 

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Vendredi 28 mai 2021 5 28 /05 /Mai /2021 08:00

"Affamée" est un premier roman de Raven Leilani, paru aux USA en 2020 aux éditions Farrar ( titre original : Luster. Jeu de mots complexe sur luster = gloss, lust = désir et lusted = assoiffée, en manque ). Traduit en francais par Natahlie Bru, il est paru en France aux éditions Le cherche midi en 2021 ( 312 pages)

Edie est une jeune afro-américaine qui travaille à New-York dans une maison d'édition. En quête d'un bonheur qui la fuit sans cesse, elle multiplie les aventures sexuelles avec ses collègues de travail, jusqu'à ce qu'elle rencontre Eric, un quadragénaire blanc et marié. Cette rencontre va bouleverser son existence. Un roman dont je vous recommande la lecture si vous désirez en savoir plus sur les fractures sociales et raciales de l'Amérique contemporaine.

Extrait pages 36-37 : Edie recense ses aventures au bureau.

"L'accueil de Mike, le nouveau, avec ses petits doigts et son jargon des ressources humaines pendant que je le débarrasse de son pantalon. Jake, du service informatique, à dix-huit heures, avec sa chaîne porte-clés, qui monte me voir et me souffle dans le cou des mots doux sur les privilèges administrateur tout en s'occupant de mon écran cassé. Hamish, des contrats, dans la salle d'allaitement, avec sa mèche bleue et ses cuisses velues, qui me demande si adorablement de l'appeler Seigneur. Tyler, directeur éditorial des départements Arts de vivre et Développement personnel, ses magazines sur le papier glacé et ses fixe-chaussettes, qui pousse ma tête vers le bas, en pleine conversation téléphonique avec le bureau de Dublin. Vlad, du service courrier, avec son mauvais anglais, par terre, au milieu des chips de calage. Arjun, des forces de vente Grande-Bretagne, avec ses cheveux noirs gominés et ses avant-bras de méchant de dessin animé, remonté à bloc contre Scholastic qui lui pique tous ses bons vendeurs. Jake, du service informatique, de nouveau, parce que ces ordinateurs, c'est de la merde, et parce qu'il a la plus jolie bite que j'aie jamais vue. Tyrell, de la fabrication, avec son demi-sourire, dans un box des toilettes à la fête de Noël du bureau, les guirlandes lumineuses dessinant comme un écho fractal dans ses yeux sombres. Michelle, du juridique, assise sur le photocopieur, ses bas autour du cou, dans la lueur tremblotante des néons. Kieran, des romans gothiques, qui me prend par-derrière en palabrant à n'en plus finir sur le démembrement qu'il me réserve, et moi qui ris sans savoir pourquoi. Jerry, la poule aux œufs d'or de la boîte, avec ses romans jeunes adultes aux héros cancéreux, qui me fait tendrement l'amour dans la salle de conférences avec vue arérienne sur le Rockfeller Center, et moi qui pleure sans savoir pourquoi. Joe, le non-lecteur de la non-fiction policière, à l'orgasme expéditif et sonore, qui me dit négresse et juste après maman. Jason, des manuels scientifiques, qui veut que je pleure comme avec Jerry, et pour finir, je pleure oui, mais chez moi. Adam, de la littérature érotique chrétienne, avec son éjaculation faciale qui me laisse de marbre. Et puis Jake, de nouveau, parce que mon clavier est kaput, sauf que ce n'est pas Jake, cette fois, mais John, de l'informatique, lequel m'apprend en glissant la main sous mon chemiser que Jake a eu un accident de voiture et qu'a priori les nouvelles ne sont pas bonnes.

Et quelque part au milieu, Mark. Mark, le chef du département artistique, où l'air sent le papier tiède et où tout le monde est heureux."

affamee


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Vendredi 21 mai 2021 5 21 /05 /Mai /2021 08:00

En attendant l'arrivée du Prince Charmant

C'est un incontournable des lectures sexualisées du conte de Perrault : Blanche-neige ne serait pas si "blanche" que ça ! Dans ce dessin, j'aime particulièrement son sourire,. Faussement endormie, elle n'a pas l'air mécontente de se faire baiser par ses sept compagnons. Une sorte d'enterrement de sa vie de jeune fille avant d'entrer dans la routine de la vie conjugale ? Je dois reconnaître que l'idée est séduisante.

blanche-neige

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